A voir dimanche 1er juillet 2012 à 23h40 sur RTS Deux
Trois semaines après le bombardement israélien qui a pilonné Gaza en janvier 2009, le réalisateur suisse Nicolas Wadimoff (l’auteur de «Opération Libertad», 2012) est allé filmer sans commentaire la survie désespérée de ses habitants. Primé au Festival du Film de Berlin en 2010, son documentaire se métamorphose au fil des séquences en un hymne à la vie vibrant d’humanité. Indispensable!
En arabe, «Aisheen» veut dire «encore vivant», comme le suggère le titre anglais dont il est flanqué («Still Alive in Gaza»). Ancien boxeur et guitariste de rock, le Genevois Nicolas Wadimoff est parti arpenter avec sa caméra une ville en ruine, «la plus grande prison du monde», pour capter ce qui y subsiste encore de vie et en faire témoignage. Le conflit qui déchire le Proche-Orient depuis si longtemps, le cinéaste en connaissait les tenants et aboutissants: en 2005, il avait réalisé un long-métrage documentaire qui décrivait les coulisses des accords négociés à Genève. En donnant démocratiquement la parole à toutes les parties en présence, Wadimoff montrait combien il était ardu de faire régner une paix durable dans cette région meurtrie.
Quatre ans après, rien n’a changé, sinon un terrible durcissement des camps antagonistes (l’ONU a accusé tant Israël que le Hamas de crimes de guerre après l’opération «Plomb durci») dont les Gazaouis sont les victimes expiatoires… Sur une proposition du service jeunesse de la télévision qatari Al Jazeera, qui a coproduit son documentaire, Wadimoff dresse la chronique au quotidien de ce désastre humain et humanitaire avec, à la clef, cette sensation inouïe et tellement paradoxale que la vie continue, envers et contre tout! Sur un mode impressionniste, l’auteur de «Clandestins» (1997) enregistre les signes épars, contradictoires, de cette obstination à vouloir vivre, égarés dans une sensation de tristesse sans fond. Un forain répare son attraction pour une prochaine réouverture. De jeunes insolents persistent à scander leur rap peu compatible avec l’islam. Des clowns animent la cour d’une école, malgré les bombes qui explosent à proximité. Des enfants jouent sur le cadavre échoué d’une baleine, alors que les animaux d’un zoo déserté par ses gardiens s’entredévorent.
Parfois, au détour d’une phrase, le spectateur prend conscience des dommages causés par l’engrenage des agressions, à commencer par le sentiment de haine inextinguible animant leurs jeunes victimes, à l’exemple de cette scène, terrible, où l’on voit une mère panser les blessures de son fils qui rêve de devenir martyr. Idem pour ce jeu de rôles terrifiant au cours duquel des élèves rejouent une visite guidée de leur ville sinistrée. A l’heure où la stratégie du blocus (israélien et égyptien) commence à être remise en question, après les événements que l’on sait, il importe de (re)voir ce film impérieux, histoire de comprendre.
Aisheen (Still Alive in Gaza)
de Nicolas Wadimoff
Suisse / Qatar, 2010, 1h25