de Pier Paolo Pasolini
avec Franco Citti, Franca Pasut, Adele Cambria, etc.
En 1961, Pier Paolo Pasolini tourne «Accattone», son premier long-métrage. Déjà maître dans l’audace stylistique, il confronte le public italien avec le revers de la croissance économique en démontrant la supériorité morale des laissés-pour-compte… Vittorio, dit Accattone («mendiant» en dialecte romanesco), est un proxénète amateur de la «borgata», la banlieue romaine. Hargneux et névrosé, il survit grâce à deux femmes qu’il est censé protéger: Nannina est l’épouse-esclave tandis que Maddalena fait le tapin. Mais, à la suite d’un violent règlement de comptes, Accattone se retrouve privé de sa principale source de revenu. Crevant de faim, prêt à voler ses propres enfants, il s’évertue à trouver un nouveau moyen d’existence en gagnant à la prostitution une jeune blonde naïve nommée Stella. Las, il tombe fou amoureux d’elle, à tel point qu’il manque de se suicider du haut d’un pont…
Œuvre dense et agressive, marquée par la musique de Bach, «Accattone» décrit avec un lyrisme envoûtant ces quartiers pauvres de Rome, où les gamins jouent dans la poussière avec des cadavres de bouteilles. Le réalisateur italien y capture son personnage dans des plans qui constituent autant de références picturales religieuses. Il parvient ainsi à lui accorder la stature d’un martyre, voire celle d’un ressuscité… Accattone reste cependant l’un de ceux qui ne survivent que pour mieux succomber. Pour lui, le mal se justifie puisqu’il est le fruit d’une société éblouie par le miracle industriel et, par la même, son seul antidote. En ces temps de crise économique et d’inégalités criantes, cette fresque qui mêle horreur et pitié envers les exclus du système revêt une modernité dérangeante, car elle ne peut que servir d’exemple pour ceux qui ont tout perdu.
Italie, 1961, noir et blanc, 2h, programme n°157