Room

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Réalisateur irlandais, Lenny Abrahamson s’est fait connaître en réalisant des comédies déjantées, dédiées aux marginaux et aux laissés-pour-compte, comme «Adam et Paul», sur les errances de deux toxicomanes à Dublin. Après «Frank», l’histoire d’une star du rock coiffée d’une grande tête en papier mâché, le cinéaste change de registre. Adapté d’un roman de l’écrivain canado-irlandaise Emma Donoghue, auréolé d’un Oscar et du Prix du public à Toronto, «Room», son nouveau long-métrage, est inspiré de plusieurs affaires de séquestration de femmes. Pour autant, le film n’est pas insoutenable, car il aborde en premier lieu les liens mère-fils.

Enfermés quelque part dans une pièce exiguë équipée de façon rudimentaire, une jeune femme prénommée Joy (Brie Larson, lauréate de l’Oscar de la meilleure actrice) et Jack, son fils de cinq ans, passent leurs journées collés l’un à l’autre à dessiner, discuter et observer la lumière du jour à travers un vasistas. Confinés entre quatre murs, ils se raccrochent à leur imaginaire et à la télévision pour s’inventer une vie. Tandis que leur geôlier leur rend visite chaque jour, Joy multiplie les stratagèmes pour préserver Jack et leur donner une chance de s’échapper un jour…

Filmant cet espace restreint à hauteur d’enfant, Lenny Abrahamson suit l’amour inconditionnel qui lie le petit garçon à sa mère et la formidable énergie qu’elle déploie à lui donner la sensation d’appartenir au monde. Pour ce faire, le cinéaste laisse la violence au second plan. Certes, tous les éléments traditionnels de suspense psychologique sont réunis pour tenir le spectateur en otage et en haleine – même si l’on reste très loin du réalisme effroyable et du radicalisme de l’excellent «Michael» de l’Autrichien Markus Schleinzer, portrait d’un pédophile séquestrant un jeune garçon de dix ans. De façon étonnante, ce côté convenu de thriller à l’hollywoodienne est contrebalancé par le point de vue neuf de l’enfant sur le monde, la société de consommation et la surmédiatisation. Dès lors, Lenny Abrahamson réussit un film bouleversant, qui aborde non seulement l’abnégation maternelle et la capacité de résilience des enfants, mais aussi l’enfermement et la solitude provoqués par le culte du voyeurisme.

de Lenny Abrahamson
Canada/Irlande, 2016, 1h58