Hadewijch

A voir vendredi 23 novembre 2012 à 14h45 sur Arte |

Réalisé par le cinéaste français Bruno Dumont, «Hadewijch» est une œuvre à ce point perturbante que les plus grands festivals lui ont opposé une fin de non-recevoir, sans parler des distributeurs. Ancien professeur de philo, Dumont ne croit guère à l’expression verbalisée des idées, surtout depuis qu’il a vu des élèves se marrer devant «Nuits et brouillards» d’Alain Resnais, court-métrage pourtant exemplaire dans sa dénonciation des camps de concentration! Partant, le réalisateur de «La Vie de Jésus» (1997) de «L’Humanité» (1999) cultive le choc, la confrontation avec le spectateur. En résultent des œuvres radicales procédant d’un art sidérant de la présence. En quelques longs-métrages, leur auteur est ainsi devenu l’un des réalisateurs les plus singuliers du moment, accomplissant une synthèse stupéfiante entre le réalisme physique d’un Maurice Pialat et la métaphysique sèche de l’immense Robert Bresson.

Après «Flandres» (2006), désacralisation stupéfiante des séductions insupportables du film de guerre, Dumont s’attache à décrire l’errance bouleversante d’une jeune fille dont le désir de spiritualité, inextinguible, va être instrumentalisé de la manière la plus terrible qui soit. Même si son père est ministre et qu’elle habite le quartier huppé de l’Île Saint-Louis à Paris, Céline (Julie Sokolowski) est en pleine crise mystique. Amoureuse de Dieu, elle entre au couvent, s’y fait rebaptiser Hadewijch, en mémoire d’une béguine anversoise du XIIe particulièrement extatique. Jugeant sa ferveur un brin disproportionnée, la sœur supérieure renvoie prudemment Céline chez elle, en lui recommandant de mettre sa foi à l’épreuve du monde. Et la jeune fille de tomber dans les rets d’islamistes terroristes, jusqu’à commettre l’irréparable dans un métro… Avec une constance admirable, quasi kamikaze, Dumont se refuse à juger sa protagoniste, désireux de capter, avant toute chose, l’aspiration irrépressible (ou le vide abyssal) qui induit Céline si fatalement en erreur et l’empêche de trouver dans sa conviction une humanité salvatrice!

de Bruno Dumont
France, 2009, 1h45