Les Amours de minuit

A voir dimanche 7 octobre 2012 à 0h20 sur France 3 |

Frère aîné du cinéaste Yves Allégret, à la verve autrement pessimiste, Marc Allégret (1900-1973) a réalisé dans les années trente plusieurs films très honorables. Songeons au charmant «Mam’zelle Nitouche» (1931) à «Fanny» (1932), second volet de la trilogie marseillaise de Marcel Pagnol, au «Lac aux dames» (1934) ou encore à l’excellent «Entrée des artistes» (1938),  avec un Louis Jouvet plus Jouvet que nature!

Né à Bâle, fils d’un pasteur qui fut le précepteur d’André Gide, Marc Allégret commence sa carrière de réalisateur en 1927 en filmant l’auteur de «La Symphonie pastorale» et des «Faux-monnayeurs» dans son périple anticolonialiste au Congo. Quatre ans plus tard, il co-réalise avec Robert Florey «Le Blanc et le Noir», dont il assume la direction artistique et que l’on souhaiterait revoir une nuit au Cinéma de Minuit, tant il est révélateur des mentalités de jadis.

Toujours en 1931, Marc Allégret continue de se former en collaborant sur le tournage de «Amours de minuit» avec le réalisateur italien Augusto Genina (1892-1957), professionnel opportuniste, capable de se couler dans des genres très divers, aussi à l’aise dans la comédie de mœurs subtile que dans le film de propagande ouvertement fasciste… Dès 1927, Genina, qui s’est déjà fait un nom au temps du Muet, a quitté l’Italie dont l’industrie cinématographique est en pleine crise pour l’Allemagne où il a réalisé cinq films. En 1929, il vient s’établir en France pour y tourner plusieurs longs-métrages dont «Les Amours de minuit».

Maîtresse de Marcel (Pierre Batcheff), un dangereux criminel en fuite , Georgette (Danièle Parola), une séduisante chanteuse de cabaret, s’éprend sincèrement de Gaston (Jacques Varennes), un jeune employé de banque qui, dans un moment d’égarement, vient de dérober la caisse de son entreprise. Bien évidemment, Marcel va exiger de Georgette qu’elle lui remette l’argent bien mal acquis de Gaston… Au-delà du pittoresque exhalé par les prénoms d’époque, cette malheureuse histoire montre combien le mélodrame doit courtiser la morale, au point d’en devenir parfois lui-même pervers! Même s’il est inférieur à «Prix de Beauté», son chef-d’œuvre, qu’il tourné une année auparavant avec Louise Brooks, «Les Amours de minuit» porte bel et bien la griffe de Genina!

Pour la petite histoire, ajoutons que le futur auteur des «Cadets de l’Alcazar» (1940) tourna en même temps avec le cinéaste Karl Frolich (1875-1953), futur zélateur de la «nazification» de la culture allemande, une version germanophone avec les mêmes acteurs (auxquels s’est joint Hans Adalbert Schlettow) qui apprirent par cœur leurs répliques dans la langue de Goethe!

de Augusto Genina & Marc Allégret
France, 1930, 1h37