Turn Me On, Goddammit


Il l’a fait, mais personne ne la croît: Artur, le guitariste de la chorale du lycée à propos duquel Alma fantasme, lui a montré son engin au détour d’une fête. Pour lui exprimer son désir… Pas très subtile certes, surtout que c’est la jeune fille de 15 ans qui va ramasser… Alma raconte tout à ses copines, et cela va s’ébruiter en une fraction de seconde. Il faut dire que pour ce village niché au sommet des fiords norvégiens, à côté d’un tel «événement», les premiers pas sur la lune sont une bagatelle!

Avec un courage exemplaire, Alma fait face aux railleries et jalousies de ses pairs, au mépris et aux réprimandes des adultes. On la prend pour une mytho, elle encaisse. Alma continuera cependant à fréquenter Artur, dans la réalité avec un peu moins de succès que dans ses rêves, deux niveaux de récit que la réalisatrice Jannicke Systad Jacobsen juxtapose avec sensibilité. A la douceur et à la grâce des fantasmes sensuels de la jeune fille répond un quotidien plus âpre et désillusionné (transmis par une esthétique flottante et pâlotte qui évoque «Virgin Suicide») et qu’Alma s’efforcera d’appréhender avec distance et humour. C’est ainsi qu’elle se fera un malin plaisir d’offusquer sa mère, dépressive et castratrice, ébranlée par la facture téléphonique. Elle avoue de but en blanc son addiction au téléphone rose…

Venue du documentaire, la jeune réalisatrice norvégienne restitue cette période-charnière des premiers émois avec une acuité et une franchise rares. Adaptant le roman d’Olaug Nilssen, qui avait déjà connu un succès retentissant auréolé de scandale, elle décrit une jeunesse ouvertement préoccupée par la chose du sexe, derrière laquelle se devinent les prémices d’une découverte sentimentale. On est loin de la «poésie» puritaine de «Twilight»… Ici, le charme et la sensualité opèrent sur le ton minimaliste du Nord.

Få meg på, for faen
Jannicke Systad Jacobsen
Norvège, 2011, 1h16

à voir à La Chaux-de-Fonds