A voir jeudi 16 août 2012 à 22h40 sur RTS Deux
Notre seule certitude est de type géographique. «Inland Empire» est un lieu-dit qui désigne plusieurs communes de la banlieue de Los Angeles, ces dernières ne cessant de croître et mordre sur le désert californien. Hormis le fait, non négligeable, qu’elle introduise en creux l’hydre hollywoodienne, cette info ne nous sera d’aucun secours pour nous «orienter» dans le maelström visuel déclenché par David Lynch…
Actrice renommée, Nikki Grace (Laura Dern) a accepté de tourner dans le nouveau film du réalisateur Kingsley Stewart (Jeremy Irons). Son partenaire se nomme Devon Berk (Justin Theroux), séducteur invétéré, mais néanmoins marié et père de famille. Alors qu’ils ont commencé à répéter, Kingsley leur apprend tout à trac que le scénario qu’ils ont entre les mains constitue le «remake» d’un film inachevé, dont la réalisation a été stoppée après le meurtre de ses deux interprètes principaux! Plus excités qu’apeurés, Nikki et Devon poursuivent le tournage. Ce faisant, ils tombent dans un véritable traquenard cinématographique et nous avec!
A leur corps défendant, les deux comédiens perdent leurs repères, se mettent à vivre leur rôle de manière très impliquée, au point de susciter la jalousie du mari de Nikki. Cette dernière confond plus que de raison son existence avec celle de Susan Blue, son personnage… Bien évidemment, ce résumé ne rend pas hommage à la complexité extraordinaire de ce film absolument hors normes. Il n’est qu’un leurre pour inciter le spectateur encore hésitant à vivre l’une des plus folles expériences perceptives de l’Histoire du cinéma. En apparence, Lynch approfondit son réquisitoire contre Hollywood entrepris en 2001 avec le déjà sidérant «Mulholland Drive», pointant la perversité d’une usine à rêves qui n’a de cesse de substituer à nos «vraies» vies ses récits dépersonnalisants. In vivo, «Inland Empire» pulvérise cette interprétation (le cinéma comme névrose quotidienne) pour atteindre des niveaux de conscience inouïs, charriant des images au pouvoir de fascination mystérieux dont personne ne pourra sortir indemne.
de David Lynch
France / Etats-Unis / Pologne, 2006, 2h52