A voir lundi 27 août 2012 à 3h05 sur Arte
En 1898, dans la province montagneuse de l’Utah, l’hiver est extrêmement rude. Des paysans et des bûcherons, forcés à devenir hors-la-loi pour survivre, font les frais de chasseurs de primes cruels, mandatés par des propriétaires terriens peu scrupuleux. Le cow-boy Silence (Jean-Louis Trintignant), qui reste muet durant tout le film, tente de s’opposer à ces assassins vénaux, avec le concours d’une jeune veuve afro-américaine, Pauline (Vonetta McGee).
«Le Grand silence» est un western-spaghetti qui se distingue par son intransigeance et ses propositions inédites. Entièrement tourné dans les plaines enneigées des Etats-Unis, le blanc capitonné du décor instaure d’emblée une ambiance glaçante, que ni la voix doucereusement féroce du chasseur de prime en chef Tigrero (Klaus Kinski), ni le silence de Silence ne sauront briser… La figure du chasseur de prime, usuellement justicier légitime dans les westerns américains, est ici au service du mal, que représente pour le cinéaste italien le capitalisme sauvage et inhumain. Dans cette veine engagée et par souci de cohérence, Corbucci souhaitait une fin radicale. Contraint à tourner également une fin heureuse, il la réalise de façon tellement pathétique, ne laissant guère le choix à ses producteurs lors du montage!
Si Clint Eastwood interprétait déjà des cow-boys mutiques dans les fresques de Sergio Leone, Corbucci pousse le principe à son extrême avec le personnage de Silence. Ce dernier lui aurait été suggéré par Marcello Mastroianni, mais c’est Jean-Louis Trintignant qui écope du rôle. Il s’agit de l’unique apparition de l’acteur français dans un western-spaghetti – Mastroianni n’en tournera aucun – et il n’aurait accepté que par amitié pour l’un des producteurs du film. On dit également que le fait d’interpréter un personnage muet aurait été la condition de Trintignant pour participer au film… Genre de série B, le western-spaghetti se voit snobé par les acteurs renommés. Ennio Morricone ne fait quant à lui pas la fine bouche et enveloppe musicalement avec un talent inégalé cet immanquable «Grand Silence».
Il Grande Silenzio
de Sergio Corbucci
France / Italie, 1968, 1h30