La Proie

A voir dimanche 22 avril 2012 à 0h01 sur France 3

Le cinéaste Robert Siodmak (1900-1973) est sans doute l’un des représentants les plus emblématiques du «film noir» américain qui connut son âge «classique» entre 1944 et 1959. Pour mémoire, ce genre cinématographique a été initié par des cinéastes d’origine européenne, dont Otto Preminger, Billy Wilder, Edward Dmytryk, Fritz Lang et Robert Siodmak. Peut-être moins connu que les autres, Siodmak a pourtant contribué de façon décisive à l’élaboration esthétique du film noir, en lui conférant des éléments expressionnistes que le coréalisateur des «Hommes le dimanche» (1929) avait appris à connaître au cours de sa période allemande.

Tourné deux ans après «Les Tueurs» (1946), «La proie» («Cry of The City») confronte deux hommes que tout semble opposer. Coupable d’avoir tué un policier, Martin Rome (Richard Conte) est arrêté. Confié au lieutenant Candella (Victor Mature), qui fut son ami d’enfance, Rome réussit à s’évader. Il n’a qu’une idée en tête, innocenter Brenda (Shelley Winters), une jeune femme accusée d’avoir trempé dans un crime crapuleux…

On l’aura compris, le flic constitue le double inversé du voyou. Devant prêter allégeance au code Hayes, Siodmak distille le poison de l’ambiguïté à petites doses. Certes, le criminel finit par apparaître comme antipathique, mais la beauté tragique de sa destinée est pour le moins troublante. Contraint au réalisme des films de gangsters de l’époque, qui recommandait de tourner en extérieurs réels, le cinéaste le fait littéralement imploser en lui greffant les grandes thématiques de l’expressionnisme allemand: la fuite en avant, l’engrenage fatal, l’ambivalence des comportements humains.

Cry of the City
de Robert Siodmak
Etats-Unis, 1948, 1h35