A voir à Neuchâtel et à La Chaux-de-Fonds |
Après «Prendre femme» (2005), où elle se disputait avec son mari Elisha (Simon Abkarian) et rêvait de tout plaquer, puis «Les Sept Jours» (2007), où elle se retrouvait face à ses frères et sœurs lors d’un deuil familial, Ronit Elkabetz interprète Viviane Amsalem dans un troisième film co-réalisé avec son frère Shlomi. Toujours en quête d’émancipation, elle est cette fois déterminée à se séparer de son mari et à regagner sa liberté. Hélas, en Israël, les divorces sont l’affaire des rabbins et ceux-ci rechignent à mettre fin à un mariage juif.
«Gett, le procès de Viviane Amsalem» oppose donc les deux parties et leurs avocats. De convocations devant le tribunal rabbinique en renvois d’audience, les personnages s’efforcent d’exposer, tantôt en hébreu, tantôt en français, les raisons qui motivent cette séparation et son refus. Car c’est bien là le problème: le mari refuse à chaque fois d’accepter le divorce («gett») et les juges suivent sa très pieuse volonté.
Au fil des audiences qui se succèdent sans résultat, la caméra des Elkabetz enferme littéralement les protagonistes, et avec eux le spectateur, dans une pièce froide et impersonnelle, tout en opérant par coupes et multiplication des points de vue de manière à obtenir un montage vif et percutant. Se servant à merveille de cette esthétique de l’enfermement, les cinéastes désamorcent le tragique à mesure que les situations deviennent absurdes, voire drôles, ce qui offre quelques bouffées d’air bienvenues au film.
Mais leur plus grande réussite est de brosser le portrait du mari à rebours des caricatures. Non, il ne bat ni ne maltraite son épouse. En quelques gestes et mimiques, on comprend qu’il n’est qu’un monstre d’arrogance et de fierté mal placée, ce qui rend le combat de Viviane d’autant plus exemplaire. Dès lors, le film gagne en puissance et dépasse son cadre. A travers l’analyse du couple, les Elkabetz font celle d’une société machiste étouffée par des croyances et des lois archaïques. Il faut voir alors Ronit Elkabetz affronter les rabbins épouvantés par sa chevelure noire et sa beauté!
Gett
de Shlomi Elkabetz & Ronit Elkabetz
France/Israël/Allemagne, 2014, 1h55