38 Témoins

Adapté du roman «Est-ce ainsi que les femmes meurent?» de Didier Decoin, «38 Témoins» de Lucas Belvaux s’inspire d’un fait divers qui a défrayé la chronique à New York dans les années soixante: une femme avait été assassinée dans la rue, sous le regard de trente-huit personnes. Passé maître dans l’art du film policier humaniste avec «Cavale» (2003) et «La Raison du plus faible» (2006), le réalisateur et acteur belge aborde ce meurtre en jouant avec la multiplicité des points de vue et un hors champ sidérant.

Lorsque Louise rentre au Havre, sa rue a été le théâtre d’un crime et tous les voisins se taisent. Employé en pilotage maritime, son conjoint Pierre décide d’avouer à la police que, comme lui, tout le quartier a tout vu et entendu, mais personne n’a rien fait… A la faveur de dialogues dignes d’un Eric Rohmer, dont la littéralité crée un effet de distanciation à même de faire saisir combien la honte et le sentiment de culpabilité rongent les personnages, Belvaux dissèque la passivité humaine en évitant tout jugement moral.

Dès lors, «38 Témoins» révèle nos travers dans toute leur profondeur et se pose, grâce aussi aux dimensions vertigineuses du port du Havre et des paquebots, en métaphore universelle des crimes résultant de l’indifférence collective. En résulte un drame génial en forme de polar.

Diaphana