A voir lundi 5 septembre 2011 à 0h55 sur Arte
«On dit que nous perdons tous vingt-et-un grammes au moment précis de notre mort. Le poids de cinq pièces de monnaie. Le poids d’une barre de chocolat. Le poids d’un colibri. Vingt-et-un grammes… Est-ce le poids de notre âme? Est-ce le poids de la vie?» Tel est le bel exergue du second long-métrage du cinéaste mexicain Alejandro González Iñárritu. Il y a quatre ans, Iñárritu avait créé l’événement avec Amours chiennes, film âpre qui entrecroisait, à partir d’un accident de la route, trois récits emblématiques du chaos qui prévaut actuellement à Mexico. Fort de sa notoriété, cet ancien animateur et producteur radio (pour la principale chaîne rock du Mexique), a momentanément quitté son pays d’origine pour aller tourner aux Etats-Unis 21 grammes. Nullement décidé à s’en laisser conter, Iñárritu a entraîné dans cette nouvelle aventure plusieurs des collaborateurs qui avaient déjà œuvré sur Amours chiennes – dont le scénariste Guillermo Arriaga, le chef-opérateur Rodrigo Prieto, la décoratrice Brigitte Broch et le compositeur Gustava Santaolalla. Tous celles et tous ceux qui ont vu Amours chiennes ne manqueront pas de constater moult points communs entre les deux films: le récit polyphonique, l’accident de voiture qui réunit les protagonistes, la structure temporelle éclatée, etc. Au point que l’on est en droit de se demander si notre cinéaste n’est pas en train de procéder à une sorte de «remake» américanisé de son œuvre précédente… Si oui, alors le résultat est plutôt fascinant!
Posons de manière sommaire les personnages de ce nouveau chassé-croisé: Paul Rivers (Sean Penn) est un mathématicien en attente d’une greffe du cœur (manque encore le donateur). Mary (Charlotte Gainsbourg) veut à tout prix un enfant de lui. Mère de deux adorables bambins, Cristina Peck (Naomi Watts) est une ancienne junkie qui a refait sa vie avec un homme «respectable». Ex-taulard, Jack Jordan (Benicio del Toro) s’efforce de trouver sa planche de salut dans les discours simplistes d’un prêcheur fondamentaliste. Comme dans Amours chiennes, ce quatuor meurtri par la vie va être réuni dans des circonstances tragiques… Mais n’en disons pas plus, pour ne pas gâcher le boulot ciselé de Guillermo Arriaga! Loin de s’adapter aux schémas réducteurs du cinéma hollywoodien, nos Mexicains compliquent encore le jeu sur le plan narratif, tout en instaurant un climat dépressif qui ferait presque regretter la violence «extravertie» de Mexico. Présenté à la dernière Mostra de Venise, 21 grammes a décroché le Prix d’interprétation masculine. Un prix décerné au seul Sean Penn, ce qui est un peu injuste en regard de la remarquable performance d’ensemble du quatuor susdit!
de Alejandro González Iñárritu
Etats-Unis, 2003, 2h05