«Pan! Pan! Pan!»

Caméra-stylo, programme n°130 |

Le 11 septembre 2001, les tours jumelles du World Trade Center étaient percutées par deux avions détournés par les terroristes d’Al Qaida, causant la mort de près de trois mille personnes. Cet événement dramatique fournit aux télévisions du monde entier les images d’un film catastrophe sans pareil, qui passèrent en boucle des jours durant. Avec une sale idée derrière la tête, certains en profitèrent pour lancer un anathème qui, vu le contexte émotionnel, rencontra un grand écho, à en juger les réactions poltronnes des Majors. Ces esprits bien-pensants prétendirent que ce crime épouvantable avait été sans nul doute inspiré par la vision de quelque superproduction hollywoodienne dans le même genre! Le pouvoir en place se dépêcha d’abonder dans leur sens en décrétant unilatéralement l’invisibilité des conséquences de l’attentat. On enterra les cadavres en catimini et toute hâte, sans que personne ne puisse les filmer, empêchant à dessein le travail du deuil, dans l’espoir d’entretenir le plus longtemps possible le désir de vengeance.

Iconoclastes new-look

A entendre ces iconoclastes new-look, l’image pouvait rendre criminel! Un film était à même de pousser au crime, à la violence! De fait, cette accusation remonte à des temps très primitifs. Dans nombre de cultures populaires, le mythe de l’image qui tue est en effet familier. Il s’agit d’un maléfice qui peut se réaliser, mais dont la réussite dépend du niveau de croyance de la communauté dans laquelle il s’inscrit. Le spectacle théâtral ne procède pas du tout du même esprit. Aristote (384-322 av. J.-C.) le premier a compris que le spectacle tragique peut au contraire constituer un traitement symbolique de la violence que chacun entretient en lui. Faire voir et entendre des actions dramatiques permet d’accomplir une manière de purgation salutaire qui rend possible la continuation de la vie en société. Le cinéma possède sans doute le même pouvoir libérateur. Mais c’est bien évidemment le film pornographique qui démontre de la façon la plus pragmatique la pertinence des thèses du philosophe grec. L’on n’ose imaginer le nombre de viols qui ont peut-être été empêchés grâce à un simple coït vécu par procuration…

La représentation de la violence

Partant, le cinéma a le devoir de donner forme à la violence qui nous habite. Mais échoit aux cinéastes la responsabilité d’établir cette subtile médiatisation qui permet de perpétuer avec succès la catharsis chère à Aristote. Ils doivent à la fois permettre un processus d’identification et une mise à distance dont le mot «Fin» au terme du film demeure le signe le plus évident. En mettant sur pied un cycle dont le titre volontairement enfantin rappelle l’innocence originelle et ludique de toute identification, Passion Cinéma a voulu rendre hommage aux cinéastes qui n’ont pas craint d’affronter crânement la question capitale de la représentation de la violence à l’écran… Les films de Scorsese, Kitano ou Tarantino autorisent le spectateur à faire état de sa capacité à être violent, tout en y puisant la force de ne pas l’être. Pour ces créateurs, montrer la violence a toujours un sens, aussi secret soit-il. L’idée de ce cycle nous est venu en découvrant le nouveau film de Cronenberg, «A History Of Violence», qui expose de façon extraordinaire le paradoxe auquel doit se confronter tout Etat de droit fondé dans la violence.

Vincent Adatte