«Les Films du Sud 2003»

Caméra-stylo, programme n°111 |

Pour la douzième année consécutive, Passion Cinéma met sur pied un mini-festival du Sud qui montre des œuvres issues des cinématographies défavorisées par un système de distribution où le consortium hollywoodien, pour le pire et le meilleur, reste prédominant. Or, avec le temps, la donne a cependant (un peu) changé et il y a lieu de s’en réjouir… Pour saisir les tenants et les aboutissants de cette mutation, opérons un retour en arrière. En des temps désormais héroïques, le Festival international de films de Fribourg palliait tant bien que mal l’incurie de nos distributeurs en organisant dans le sillage de son édition un circuit qui permettait de montrer en Suisse romande quelques films du Sud marquants. En parallèle, la société de distribution trigon-film, subventionnée par la Confédération, faisait œuvre de pionnier en promouvant de manière professionnelle des œuvres de grande qualité provenant d’Afrique, d’Asie et d’Amérique du Sud. Certains titres ainsi défrichés sont restés gravés dans les mémoires – «Piravi» (1988) de Shaji N. Karun, «Pourquoi Bodhi-Dharma est-il parti vers l’Orient?» (1989) de Bae Yong-kyun, «Le voyage» (1992) de Fernando E. Solanas ou encore les chefs-d’œuvre inoubliables du Bengali Ritwik Ghatak…

Un créneau porteur

Au jour d’aujourd’hui, la situation a évolué dans un sens positif. Si trigon-film poursuit son précieux travail de défrichage avec des fortunes parfois diverses, elle n’a toutefois plus le monopole des films dits du Sud qui sont en effet devenus une véritable part de marché. Il ne se passe pas un mois sans que Filmcoopi, Elite-Film, Look Now, Agora Films, JMH ou Frenetic Films ne sortent une perle rare asiatique ou sud-américaine (mais hélas beaucoup plus rarement africaine)… À quels facteurs attribuer ce développement qui crée un peu plus de diversité sur nos écrans? Pour notre part, nous en distinguons trois: primo, le phénomène de la globalisation a sans doute rendu le grand-public plus sensible aux singularités. Deuzio, la multiplication des écrans (avec l’apparition des multiplexes) a permis aux exploitants de diversifier leur offre en prenant un minimum de risques. Tertio, pour un distributeur indépendant, qui ne peut avoir accès aux grosses productions, le film dit du Sud constitue une alternative souvent prometteuse, autrement dit un créneau porteur, pour parler le langage des spécialistes.

L’air du temps

L’édition 2003 de notre mini-festival du Sud atteste de ce changement. Aux côtés des quatre œuvres de la collection «Films du Sud» conjointement sélectionnées cette année par trigon-film et le Festival international de films de Fribourg, figurent six autres réalisations proposées par cinq sociétés de distribution différentes. Cette diversification de l’offre nous a permis de constituer un programme très varié de dix titres qui exhalent un air du temps parfois irrespirable. Par ailleurs, vous l’aurez peut-être remarqué, le journal de Passion Cinéma que vous avez entre les mains a accompli une mue printanière qui ne se réduira pas au seul «Festival du Sud». Prévue pour durer, cette métamorphose exprime en effet la volonté d’approfondir encore plus notre propos et ce, dans le dessein de servir encore mieux la cause du (très) bon cinéma.

Vincent Adatte