«Documentaires.ch»

Caméra-stylo, programme n°116 |

Il fut un temps où le cinéma suisse de fiction s’affichait loin à la ronde. Alain Tanner ou Claude Goretta, notamment, ont marqué toute une génération par la liberté de ton de leurs films dont les contenus étaient résolument politiques. Depuis, mis à part des œuvres éparses signées par Daniel Schmid, Fredi Murer, Yves Yersin, Francis Reusser ou Jean-François Amiguet, le cinéma helvétique de fiction connaît sa traversée du désert, perdant peu à peu son aura nationale et internationale. Dans le même temps, côté documentaire, la Suisse est devenue un véritable pôle de production, au point de devenir un cas unique en Europe.

Quand la Suisse se dévoile

Un grand nombre de réalisateurs suisses empruntent désormais la voie du documentaire. Par le biais des images du quotidien ou en sondant notre histoire, ces cinéastes cherchent à rétablir un certain nombre de vérités occultées par la Confédération, avec la complicité passive d’une partie de la population. Mais cette prédilection ne date pas d’hier. Dès les années soixante, le documentaire suisse, alémanique en majorité, dévoile le revers d’une réalité trop apprêtée avec, notamment, la condition des travailleurs étrangers, décrite par Alexandre Seiler dans «Siamo Italiani», (1963-64). Participent de cette stratégie les images tournées par Henry Brandt pour l’Expo 64 à Lausanne («La Suisse s’interroge») ou celles de Jacqueline Veuve et Yves Yersin qui dévoilent la mécanisation et la perte de la valeur rituelle de la mise à mort du cochon dans «Le panier à viande» (1966). Avec «L’exécution du traître à la patrie Ernst S.» (1976), Richard Dindo et Niklaus Meienberg créent de sérieux remous en revenant sur l’attitude ambiguë de la Suisse durant la seconde guerre mondiale. Au fil des ans, en mal de sujets helvétiques, certains cinéastes sont allés chercher leurs sujets à l’étranger, comme Richard Dindo, lorsqu’il évoque en 1994 les derniers jours d’Ernesto «Che» Guevara en Bolivie, Reni Mertens et Walter Marti avec «L’école du flamenco» (1985) ou Ulrike Koch partie sur les traces de «La caravane de sel du Tibet» (1997).

Un genre vivant

Aujourd’hui, nos (jeunes) cinéastes accaparent toujours plus ce moyen d’expression. Ainsi, le Vaudois Jean-Stéphane Bron n’a pas hésité à tourner son premier film sur la célèbre affaire des fiches («Connu de nos services», 1997) avant de réaliser l’année passée l’étonnant «Mais im Bundeshuus, le génie helvétique». Même si cette dernière œuvre a connu le succès, force est de constater que le documentaire suisse ne fait guère recette en Romandie. Alors que les spectateurs suisses allemands se précipitent en nombre pour découvrir «Mutter», «Mani Matter», «Transhumance vers le troisième millénaire» ou le superbe «Gambling, Gods & LSD» (primé à Nyon), ces mêmes titres peinent à s’imposer auprès du public romand. En présentant aujourd’hui ces quatre documentaires alémaniques, accompagnés par les derniers films de Richard Dindo et de Frédéric Gonseth, qui viendra en personne en parler avec le public, Passion Cinéma veut démontrer que le documentaire suisse est plus vivant que jamais!

Frédéric Maire