Sa majesté des mouches

A voir vendredi 18 août 2017 à 2h30 sur Arte |

Né en 1925 à Londres, de parents russes, Peter Brook a fait ses débuts à l’âge de dix-huit ans en réalisant une adaptation cinématographique («A Sentimental Journey», 1943) et en mettant en scène des pièces de théâtre à petits budgets, avant d’être enrôlé dans l’armée où il tournera des courts-métrages d’instruction militaire. Après la guerre, il revient à la vie public et au théâtre. Brook s’affirme alors rapidement comme l’un des plus grands metteurs en scène de sa génération. En 1953, il collabore notamment avec Orson Welles à la série «King Lear» d’après Shakespeare.

Dans les années 1960, Brook connaît une période particulièrement prolifique. Très critique sur le plan politique, futur opposant actif à la guerre du Vietnam, il se démarque alors du théâtre traditionnel en recherchant la prise directe avec le public et l’imagination du spectateur. C’est à cette époque qu’il adapte au cinéma «Lord of the Flies» de William Golding…

A la suite d’un crash d’avion, des jeunes garçons issus de la bonne société britannique, se retrouvent livrés à eux-mêmes sur un île déserte. Pour survivre au sein de la nature sauvage, ils tentent de s’organiser en reproduisant les schémas sociaux dans lesquels ils sont nés, mais leur groupe vole en éclats et deux clans sont constitués, proches de la sauvagerie… Reprenant à son compte cette fable de la création du genre humain, sorte de versant sombre du mythe de Robinson, Peter Brook se livre à une comparaison directe avec la société moderne en décrivant la barbarie et la prise du pouvoir en tant que pulsions innées et primitives.

Grâce à une bande-son habilement traversée de tam-tam et de bruits inquiétants, ainsi que des gros plans d’où surgissent l’effroi, telle cette tête de porc sur un pieu entourée de mouches, le cinéaste nous plonge au cœur d’une vision terrible de l’enfance, qui va à l’encontre de sa supposée innocence, en faisant preuve d’une sobriété exemplaire. En résulte un film philosophique pessimiste, mais combien impressionnant, politique et subversif!

Lord of the Flies
de Peter Brook
Grande-Bretagne, 1963, 1h32