A voir mercredi 20 novembre 2013 à 23h25 sur TV5 Monde |
Eric Rohmer (1920-2010) est un grand cinéaste à la discrétion trompeuse. Passant à tort pour un classique, ce qui ne l’a pas gêné le moins du monde, ce Corrézien, né Jean-Marie Schérer en 1920 à Tulle, aura fait preuve d’une insolence créative sans pareille, tout au long d’une carrière d’une longévité exceptionnelle. Professeur de lettres se destinant en premier lieu à la littérature, Rohmer aborde le cinéma en animant un ciné-club du Quartier Latin à Paris, fréquenté par de jeunes trublions qui ont pour noms Claude Chabrol, François Truffaut et Jean-Luc Godard. Avec eux, il fomente le soulèvement de la Nouvelle Vague, à la fois comme critique à la revue des Cahiers du Cinéma et réalisateur.
Dès 1950, Rohmer tourne son tout premier film, ce qui fait de lui le pionnier du mouvement. Abandonnant son poste de rédacteur en chef des Cahiers en 1963, il se consacre dès lors au seul cinéma. Optant pour des petits budgets pour conserver toute sa liberté d’auteur, ce janséniste frondeur va se révéler prolifique, signant une cinquantaine de titres, dont vingt-six long-métrages. Son œuvre se décline en cycles, à commencer par celui des «Contes moraux», dont le sixième, «Ma nuit chez Maud» (1969) lui vaut son premier succès public. Rohmer enchaîne ensuite avec la série des «Comédies et proverbes» dont «Pauline à la plage» (1982) constitue le troisième «épisode». Emprunté à Chrétien de Troyes (1135-1183), le proverbe proposé en sous-titre du film nous dit «Qui trop parole se mesfait».
Comme toujours l’action à la fois confirme et dément la «sagesse» du proverbe… Soit cinq personnages en vacances (aux deux sens du terme) qui arpentent une station balnéaire sise en Normandie en assénant au sujet de la séduction et de l’amour des opinions bien trop arrêtées que le scénario s’ingénie à démantibuler avec une grâce douce-amère… Du réalisateur des «Nuits de la pleine lune» (1984), ce qui perdurera le plus, c’est sans nul doute cet art prodigieux de la parole qui prend malicieusement au piège ses jeunes protagonistes, toujours prompts à s’illusionner sur leur capacité à s’émanciper. En cela, Rohmer est un moraliste, mais de la plus saine espèce, de celle qui fait grandir et accéder à la véritable liberté!
de Eric Rohmer
France, 1983, 1h35