Dans son vingt-huitième long-métrage, Steven Spielberg mêle habilement humour et héroïsme sur fond de Guerre froide. Coécrit par les frères Coen, «Le pont des espions» révèle en effet un certain sens de la dérision, lequel se marie bien avec le classicisme formel de Spielberg, dont la guerre est l’un des thèmes de prédilection, si ce n’est celui qu’il préfère entre tous.
Inspiré de le véritable histoire de James Donovan, le film plonge à Brooklyn en 1957. Avocat spécialisé dans les assurances, James (Tom Hanks, impeccable dans ce rôle très humaniste) se voit confier la défense d’un espion soviétique. Fort de ses convictions d’homme de loi, il parvient à lui éviter la peine capitale, avant que la CIA ne lui demande de partir à Berlin pour négocier l’échange du prisonnier russe contre un pilote américain. Tandis que l’on construit un mur en plein milieu de la ville, James doit servir de pont entre l’Ouest et l’Est…
A la faveur d’une reconstitution historique minutieuse et d’une mise en scène virtuose, Spielberg jette un regard assez critique et ironique sur la Guerre froide, n’hésitant pas à remplir des baignoires d’eau en cas d’attaque nucléaire, comme on l’enseignait à l’école. Partant, «Le pont des espions» oscille entre film de procès, d’espionnage et de guerre froide, ce qui confère une hétérogénéité plutôt appropriée à son approche rétrospective d’une époque où la population épousait (plus) volontiers l’opinion officielle, à l’Ouest comme à l’Est. Certes, Spielberg ne se départit pas de son penchant pour le mélo tire-larmes en héroïsant son personnage humaniste et patriote par excellence, mais la touche d’humour façon Coen relativise bien l’ensemble.
Bridge of Spies
de Steven Spielberg
Etats-Unis, 2015, 2h12