A voir lundi 7 novembre 2016 à 20h55 sur RTS Un |
Tiré des mémoires que le sieur Jordan Belfort a écrites en prison, le nouveau film imparable et incontournable signé Scorsese raconte l’ascension et la chute d’une crapule séduisante de la finance. Fils de comptable, Jordan Belfort (Leonardo DiCaprio) fait son apprentissage chez LD Rothschild, bénéficiant des conseils «avisés» d’un courtier expérimenté (Matthew McConaughey) qui, en l’espace d’un repas, lui enseigne les fondamentaux pervers du système financier qui régit la planète entière: «On crée que dalle, on construit que dalle!»
Diplômé, Jordan a le malheur de débuter le jour du krach de 1987. Réduit au chômage, il crée alors dans un immeuble anonyme de Long Island sa propre entreprise, une boîte de courtage, Stratmont Oakmont, spécialisée dans la vente d’actions bas de gamme (de 1 à 2 dollars), où le vendeur s’en met plein les poches, au détriment de «petites gens» aveuglées par ses promesses tonitruantes de gains illimités. Pour le seconder, Jordan engage des collaborateurs guère vertueux, versés auparavant dans de tous autres trafics.
A son zénith, Stratmont Oakmont compte plus de mille employés, galvanisés par les discours pétris d’avidité de leur patron. Pour les récompenser, Jordan leur offre de véritables orgies où le sexe tarifé le dispute à la prise de drogues (lui-même est continuellement sous l’emprise de ces dernières). En parallèle, comme dans le milieu maffieux, dont Scorsese s’est souvent fait le peintre, son protagoniste feint de s’adapter à la norme sociale, avec mariage et enfants à la clef, accomplissant de la sorte un double «péché» d’obscénité!
Avec la subtilité qui le caractérise, le réalisateur de «Casino» (1995) nous contraint à faire un exercice de mise à distance très tordu, en racontant cette «success story» du seul point de vue enthousiaste de Jordan, partagés que nous sommes entre la fascination pour sa foi à déplacer des montagnes (de fric) et le dégoût né de son absence abyssale de sens moral… Scorsese dit avoir tourné ce film mû par la colère. Heureusement pour nous, il n’en a pas perdu pour autant son génie de l’ambiguïté.
The Wolf of Wall Street
de Martin Scorsese
Etats-Unis, 2013, 2h59