A voir jeudi 26 mai 2016 à 23h30 sur TV5 Monde |
Né en 1943, originaire de ce Sud-Ouest où il a situé l’action du film qui l’a révélé en 1975 («Souvenirs d’en France»), André Téchiné appartient à la génération très particulière des cinéastes, qui, tels Jean-Marie Straub, Jean Eustache, Philippe Garrel, Gérard Blain ou Jacques Doillon, ont eu fort à faire pour guérir des belles espérances engendrées par Mai 68. Certains ont tiré leur révérence de manière dramatique (Eustache), d’autres ont en réchappé en empruntant des voies artistiques radicales souvent passionnantes (Straub, Garrel, Blain). Téchiné, comme Doillon, a préféré jouer au Cheval de Troie en essayant d’introduire des films retors au sein du cinéma mainstream. Doillon a tenté le coup sur un mode désinvolte et très joueur. En activité depuis 1969, Téchiné n’a pas cette sérénité.
A l’instar de Truffaut, il croit possible de renouer avec les grands récits classiques, tout en n’abdiquant jamais l’esprit de modernité qui l’habite. Cette ambition, qui l’oblige à se coltiner des budgets conséquents et de grandes vedettes, a souvent débouché sur des insuccès douloureux – notamment «Hôtel des Amériques» (1981) avec Patrick Dewaere et Catherine Deneuve, et «Les Sœurs Brontë» (1979) avec le trio Huppert, Adjani et Deneuve à nouveau. En rage on l’imagine, Téchiné se remet toujours en santé en tournant de «petits» films âpres, peu coûteux et tournés avec des acteurs peu connus, des films à la fois réalistes, romanesques et sensuels, comme «J’embrasse pas» (1991), «Les Roseaux sauvages» (1994) ou «Loin» (2001), dans lesquels on retrouve ses thèmes les plus chers: l’homosexualité, parfois latente, l’ambiguïté, l’obsession, l’amour ou le sexe.
Avec la présence de Catherine Deneuve, qui irradie littéralement l’écran, «Le Lieu du crime» (1993) appartient certes à la première catégorie, mais ce film est aussi marqué par un côté onirique et aborde certaines obsessions ou troubles du corps liés à l’amour de façon très tragique et avec ce romantisme si âpre qui fait la patte d’auteur de Téchiné… Dans un petit village du sud-ouest de la France, Lili, la mère d’un adolescent mythomane, retrouve goût à la vie en fréquentant un jeune voyou. Tandis que les cadavres s’amoncellent autour d’eux, les personnages sont pris dans un tourbillon de non-dits et d’apparences trompeuses. En résulte un film bouleversant sur une passion amoureuse irrépressible et insensée au cœur d’une famille ravagée par la violence. A posteriori l’un des meilleurs du réalisateur!
de André Téchiné
France, 1986, 1h30