A voir mardi 17 juillet 2012 à 10h40 sur Arte
A sa sortie en 1969, «Le Chagrin et la pitié» créé en France une polémique d’envergure, empêchant sa diffusion télévisée jusqu’à l’arrivée de Mitterrand au pouvoir en 1981. Alternant témoignages d’archive et interviews, le documentaire de Marcel Ophüls ébranle sévèrement l’image officielle de la France pendant la Deuxième Guerre mondiale: celle d’un peuple résistant, unanimement acquis aux idées du général de Gaulle.
En donnant la parole à différents acteurs installés à Clermont-Ferrand durant l’Occupation – anciens militaires, professeurs d’écoles, politiques, anciens prisonniers allemands – le cinéastes dévoile un visage plus contrasté de la France, dont certains citoyens ne cachent pas leurs éventuelles sympathies pour le régime de Pétain ou leurs activités collaborationnistes… A cette chronique auvergnate, donnant la parole sans distinction à des personnalités comme à des gens ordinaires, Ophüls confère une véracité extensible à toute la nation. Au-delà de son propos, «Le Chagrin et la pitié» se distingue également par sa forme des documentaires historiques de l’époque. Exempt de commentaires, teinté de subjectivité et d’humour, il créé un sentiment de malaise chez le spectateur habitué aux discours de la droite comme du Parti communiste français sur le rôle héroïque des Français face au nazisme.
Bien que le grand public ne le découvre qu’une décennie plus tard sur le petit écran, ce film révolutionne le travail de mémoire en France. Si la télévision suisse a «courageusement» coproduit le film, il faudra en revanche attendre le tournant des années quatre-vingt pour qu’un regard plus critique sur le rôle de la Suisse durant la Deuxième Guerre mondiale perce la production audiovisuelle helvétique…
de Marcel Ophüls
France / Suisse / Allemagne de l’Ouest, 1969, 4h20