A voir lundi 7 novembre 2016 à 23h55 sur Arte |
Dès 1919, Lénine a nationalisé le cinéma de l’URSS, en décrétant que «de tous les arts, le cinéma est le plus important pour la révolution». Cette phrase a eu le don de propulser le monde du travail dans les studios… Dès lors, les cinéastes soviétiques Eisenstein, Poudovkine et autre Dovjenko ont idéalisé le présent révolutionnaire en mettant en scène les foules du prolétariat travaillant comme un seul homme à concrétiser l’idéal communiste du Proletkult, à l’image de «La Grève» (1924), le premier long-métrage d’Eisenstein. A l’avènement de Staline et de son sinistre réalisme socialiste, le même réalisateur a pourtant choisi une perspective inverse, comme en témoigne «Ivan le Terrible», une métaphore à peine voilée de Staline et du KGB!
Entre 1942 et 1945, Eisenstein tourne en Asie en centrale, à Alma-Ata (ancienne capitale du Kazakhstan), un film sur le tsar Ivan IV Vassiliévitch, dit Ivan le Terrible. Grand-duc de Moscovie, Ivan (formidable Nikolai Tcherkassov) se fait couronner tsar en l’an 1547 malgré l’opposition des aristocrates et de sa propre famille. Brisant les soulèvements populaires d’une main de fer, il fait la guerre aux Tatars de Kazan et parvient à asseoir son pouvoir malgré les trahisons internes. Face à la menace de la garde Opritchnicks, il quitte Moscou mais le peuple le conjure de rester au pouvoir. Et Ivan de bientôt proclamer la nécessité du pouvoir absolu…
A l’origine, le film aurait dû comporter trois parties. La troisième ne fut pas réalisée, en partie suite au décès d’Eisenstein, et il ne reste que les vingt dernières minutes en couleur de la deuxième. Il faut dire que Staline n’a guère goûté l’exercice, tant il se serait senti visé. Résultat, la censure interdit la deuxième partie jusqu’en 1958… Et pour cause! Dans ce film grandiose, les personnages font figure de marionnettes hallucinées évoluant dans un univers plastique très géométrique lié aux recherches formelles d’Eisenstein. Chaque plan y est conçu comme une véritable œuvre picturale dans un souci constant de composition et de rythme, dans une veine expressionniste, qui fait de l’autocratie une vermine aussi effrayante que nauséabonde… En résulte l’une des reconstitutions historiques les plus passionnantes de l’histoire du cinéma!
Ivan Groznyy I
de Sergueï Mikhailovich Eisenstein
URSS, 1944, 1h43