Inju, la bête dans l’ombre

de Barbet Schroeder
avec Benoît Magimel, Lika Minamoto, Gen Shimaoka, Ryo Ishibashi, etc.



Cinéaste cosmopolite, comme il se plaît à le dire, Barbet Schrœder aime restituer dans ses films la relativité de la vie et des valeurs, au-delà du bien et du mal. Captivé par le Japon, le réalisateur de «More» (1969) a conçu son seizième long-métrage comme un jeu brillant et vertigineux sur l’altérité culturelle et ses ambiguïtés insolubles, à l’exemple du titre: en japonais, selon le contexte, «Inju» peut tout aussi bien signifier «la bête dans l’ombre qui attend de bondir sur sa proie», que «la bête endormie à l’intérieur de soi qui attend de se réveiller»…

Alex Fayard (Benoît Magimel) est un jeune écrivain français fasciné par l’œuvre et le succès du mystérieux romancier japonais Shundei Oe, au point qu’il écrit à la manière de cet auteur de romans policiers à très forte teneur sexuelle. Loin d’égaler l’original, il le dénature, lui confère une mièvrerie dont il n’a pas conscience. Usurpateur à sa manière, Fayard débarque au Japon, aveuglé par son assurance qui frise l’arrogance. Innocent se sentant un peu coupable et donc prêt à être troublé, le Français se précipite la tête la première dans une histoire complexe, au-delà de tout ce qu’il a pu imaginer dans ses livres, dont il ne sortira pas indemne. S’éprenant d’une geisha qui lui confie sa détresse, Fayard tombe peu à peu dans les rets de la «vengeance de l’écrivain»…

«Inju» est adapté du roman homonyme de l’écrivain Hirai Tarô (1894-1965) dont le nom de plume était Edogawa Ranpo, un pseudonyme qui est en fait la transposition phonétique en japonais d’Edgar Allan Poe. Extrêmement populaire au Japon, Tarô est resté un mystère complet pour ses lecteurs. Avec l’intelligence qui le caractérise, le réalisateur de «L’Avocat de la terreur» (2007) élabore une mise en abîme qui ne cesse de piéger le désir du spectateur, à l’image du pastiche extraordinaire ouvrant son film, un «à la manière de» qui fusionne «La Maison de bambou» (1955) de Samuel Fuller et les films iconoclastes de Seijun Suzuki.
France, 2008, 1h45, couleur, programme n°151