Cagliostro

A voir dimanche 1er juillet 2012 à 0h25 sur France 3

Décidément le «Cinéma de Minuit» fait honneur à sa réputation en nous faisant redécouvrir raretés et incunables… Il en va ainsi de «Cagliostro» (1929) qui boute de façon ardente les derniers feux du cinéma muet populaire. L’auteur de ce sommet dans le genre s’appelle Richard Oswald (1880-1963), connu dès 1917 comme un spécialiste du film éducatif en matière sexuelle, qui déclencha l’ire des milieux conservateurs.

Né à Vienne, homme de théâtre réputé, Oswald s’installe à Berlin en 1914 où il aborde le cinéma. Réalisateur et producteur, il se fait connaître (et honnir) avec «Es werde Licht» (1917), «Die Prostitution» (1919) et «Anders als die Andern» (idem), un plaidoyer courageux du droit à être homosexuel. En parallèle, Oswald tourne des mélodrames, des films fantastiques et historiques.

Dernière œuvre de sa période muette, sortie en plein essor du parlant (d’où son fiasco public), «Cagliostro» est un film à costumes photographié par Jules Krüger, chef-opérateur de génie qui a travaillé pour Abel Gance («Napoléon», 1927), Marcel l’Herbier («L’Argent», 1928), Julien Duvivier et autre Sacha Guitry.

S’emparant du personnage historique popularisé par Alexandre Dumas, Oswald lui restitue toute son ambiguïté : aventurier, alchimiste, opportuniste calculateur, amoureux éperdu, Joseph (Giuseppe) Balsamo (1743-1795), comte de Cagliostro, ne se laisse pas facilement cerner. Impliqué dans l’affaire dite du «collier de la Reine», il a mis la cour de Versailles littéralement sens dessous dessus!

Comme à son habitude et à raison, Oswald considère le sexe comme le moteur de tous nos agissements, la cour de Versailles n’échappant surtout pas à la règle, donnant matière à des scènes d’une licence assez prodigieuse… Longtemps considéré comme perdu, «Cagliostro» est diffusé ce soir dans une version hélas très incomplète qui témoigne toutefois de son souffle épique et grandiose…

Après ce chef-d’œuvre trop tardif, le cinéaste passe au sonore, réalisant en une époque de plus en plus sombre des films pacifistes ou antimilitaristes qui sont très peu goûtés par les revanchards qui préparent l’avènement du «peintre du dimanche». Après avoir signé un «Dreyfus» (1930) attaqué par les antisémites et une adaptation d’une pièce de Karl Zuckmayer, antifasciste notoire, Oswald a la prudence de quitter l’Allemagne, au lendemain de l’élection de Hitler…

Cagliostro – Liebe und Leben eines großen Abenteurers
de Richard Oswald
Allemagne, 1929, 1h05