A voir dimanche 14 février 2016 à 0h20 sur France 3 |
Réalisateur très prolifique durant la période du Muet, le réalisateur d’origine britannique Charles J. Brabin (1882-1957) est surtout connu pour avoir été l’époux fidèle et aimant de Theda Bara, la première «vamp» et sex-symbol de l’histoire du cinéma. En 1932, il signe avec «Le Masque d’or» («The Mask of Fu Manchu») son meilleur film, où il fait montre d’un brio indéniable, à défaut d’une réelle originalité!
Adapté de l’œuvre de Sax Rohmer, auteur d’une série de romans très populaires centrés sur les exactions d’un génie du crime asiatique, Fu Manchu, qui cristallise sur sa personne inquiétante le fantasme très occidental du «péril jaune», ce fleuron des débuts du cinéma fantastique made in Hollywood appartient aujourd’hui au cercle très fermés des œuvres cultes.
Jalouse du succès de ses consœurs qui ont misé à raison sur le genre horrifique, la Metro-Goldwyn-Mayer (MGM) tente d’occuper à son tour le créneau, n’hésitant pas à débaucher Boris Karloff, qui incarne à lui seul le genre après le succès du «Frankenstein» (1931) produit par la Universal! Crânement, Brabin délaisse les atmosphères gothiques pour plonger le spectateur dans une ambiance exotique inquiétante, puisant sans vergogne dans le stock des clichés racistes prévalant à l’époque…
L’explorateur Sir Barton a découvert où sont cachés les reliques de Gengis Khan. Les services secrets britanniques lui enjoignent aussitôt de monter une expédition pour les ramener en lieu sûr, avant que le terrible docteur Fu Manchu ne s’en empare pour les utiliser à fort mauvais escient. Aussi fourbe que rusé, l’asiate démoniaque fait enlever Sir Barton…
Truffé de rebondissements invraisemblables perpétrés dans de splendides décors de carton-pâte, «Le Masque d’or» constitue un pur plaisir régressif, dont les effets spéciaux rudimentaires et le sadisme bon enfant font aujourd’hui plutôt sourire, avec ses sols qui se dérobent, ses murs secret tapissés de pics déchiqueteurs et son bassin à crocodile à jeun (Spielberg s’en souviendra fort à propos au moment de lancer sa saga «Indiana Jones»).
Le clou de ce spectacle merveilleusement désuet, au point d’atteindre à une certaine poésie «vintage», réside dans l’interprétation on ne peut plus jouissive de Boris Karloff. Affublé d’une fine moustache, il compose un Fu Manchu baroque qui vole littéralement la vedette à tous les autres acteurs, exception faite de Mirna Loy, laquelle joue avec une perversité contagieuse sa fille déviante!
The Mask of Fu Manchu
de Charles Brabin & Charles Vidor
Etats-Unis, 1932, 1h08