Boudu sauvé des eaux

A voir lundi 29 mai 2017 à 2h20 sur Arte |

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Fils du grand peintre impressionniste dont il a vendu quelques toiles pour financer ses films, Jean Renoir appartient au gotha des cinéastes qui, dans les années 1930, ont fait évoluer de façon décisive le septième art. Représentant d’une classe sociale privilégiée qu’il sait être en voie de disparition inéluctable, mais dont il ne renie pas l’héritage humaniste intellectuel et culturel, Renoir est en sympathie avec les idées du parti communiste. Cette ambivalence, le réalisateur de «La Grande illusion» la surmonte en mettant au-dessus de tout son amour des personnages.

De façon géniale, il traduit en termes cinématographiques l’adage redoutable qui énonce que «chacun a ses raisons», ce qui implique qu’un bon cinéaste doit aimer un tant soit peu tous ses personnages, même les plus infréquentables! Selon Renoir, c’est même la condition impérative pour échapper à la réduction fonctionnelle à l’œuvre dans la plupart des films et accéder à un véritable «réalisme intérieur», comme en témoigne «Boudu sauvé des eaux», adapté du vaudeville éponyme de René Fauchois.

Un jour, alors que Monsieur Lestingois épie les passantes à l’aide d’une longue vue, il aperçoit un clochard se jeter dans la Seine. Après lui avoir porté secours, il décide de l’installer dans son appartement. Le pauvre homme prénommé Boudu (Michel Simon) prend rapidement ses aises et séduit Madame Lestingois avec ses manières frustes, tandis que Monsieur Lestingois poursuit en secret sa relation avec Anne-Marie, la bonne…

A mille lieues d’une comédie gentillette, «Boudu sauvé des eaux» joue subtilement sur les faux-semblants et la quête d’identité. Enfermé dans une existence confortable, Monsieur Lestingois décèle chez Boudu toute la révolte anticonformiste qu’il réprime. Anarchiste et libertaire, le film attaque si férocement la bienséance qu’il disparut de l’affiche en trois jours, après avoir fait s’estomaquer quelques bourgeoises devant la vulgarité revendiquée de l’immense Michel Simon dans un rôle taillé sur mesure.

de Jean Renoir
France, 1932, 1h33