Le Village

A voir mercredi 16 septembre 2015 à 20h50 sur France 4 |

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De tous les jeunes cinéastes américains qui ont débuté dans les années 1990, M. Night Shyamalan est sans conteste l’un des plus controversés, ce qui le rend bien sûr d’autant plus intéressant. D’origine indienne, né en 1970 à Pondichéry, élevé dans un milieu très aisé en Pennsylvanie, Night Shyamalan s’amourache du cinéma dès son adolescence. Vouant à Steven Spielberg la plus vive admiration, il tourne son premier long-métrage en 1992. Quatre ans plus tard, il remporte un succès public phénoménal avec «Sixième Sens».

Dans son ensemble, la critique internationale fait plutôt bon accueil à cette œuvre retorse où Night Shyamalan avoue sa prédilection pour le paranormal et les retournements dévastateurs de dernière minute – qu’il aménage avec une science très sûre des effets. La naïveté assumée de «Incassable» (2000), empruntée aux comic books, passe par contre très mal la rampe auprès de ses aficionados, alors qu’il s’agit sans doute de son film le plus personnel.

Version bondieusarde des «Rencontres du troisième type» (1977) de Steven Spielberg, «Signes» (2992) donne provisoirement raison aux critiques qui voient en lui un cinéaste plus rusé que réellement doué, mais très capable quand il s’agit d’entortiller le spectateur dans un fatras mystique idéologiquement très douteux. Partant, certains s’attendaient au pire avec «Le Village». Surprise, les voilà parfaitement détrompés, même si certains détracteurs ont persisté (et signé) dans leur rejet.

De fait, le sixième long-métrage du cinéaste est une œuvre passionnante, qui, malgré les apparences, possède une actualité indubitable. Avec sa virtuosité coutumière et insidieuse, Night Shyamalan décrit les affres d’une communauté puritaine dont tout laisse croire qu’elle vit au temps de la préindustrialisation des Etats-Unis, soit avant la guerre de Sécession (1861-1865). Sous la coupe des anciens, ses membres restent reclus dans la peur, consacrant toute leur énergie à se protéger contre de terribles créatures qui peuplent la forêt environnante. Jusqu’au jour où une jeune femme aveugle décide de s’aventurer au-delà de la «frontière» pour aller chercher en ville le médicament qui pourrait sauver son aimé…

Après une demi-heure, Night Shyamalan déroge subitement à ses principes habituels (entretenir le doute jusqu’au bout) et commence à littéralement déconstruire le film «qu’il aurait pu réaliser». Un instant frustré (ah! Ce n’était que ça!), le spectateur est très vite entraîné dans une spirale réflexive digne du meilleur Hitchcock. Sans crier gare, le réalisateur dévoile alors tout l’art de la manipulation qui prévalait dans ses œuvres antérieures. Loin de décevoir, cette mise à plat crée une tension impressionnante et surtout confère au «Village» une dimension politique vraiment étonnante, venant de la part de l’auteur de «Signes» (et son retour aux bonnes vieilles valeurs patriarcales d’antan). Mine de rien, cet apologue remarquable prend pour cible la politique intérieure menée très opportunément par les républicains sur les ruines, à cette époque fumantes, des tours du World Trade Center. A la manière du Fritz Lang de la période américaine, Night Shyamalan ose en plus nous gratifier d’un faux happy end parfaitement désespérant!

The Village
de M. Night Shyamalan
Etats-Unis, 2004, 1h48