A voir lundi 28 avril 2014 à 20h50 sur D8 |
Tourné en 2002, le vingtième long-métrage de Steven Spielberg est tiré d’une œuvre de jeunesse de l’écrivain de science-fiction Philip K. Dick, auteur dédaigné de son vivant, mais reconnu post-mortem par Hollywood qui l’adapte très volontiers. Songeons à «Blade Runner» de Ridley Scott, «Total Recall» de Paul Verhœven ou encore «Paycheck» de John Woo. Ecrite en 1956 mais située dans le temps cent ans plus tard, elle décrit les activités de «Precrime», une entreprise privée sensée éradiquer toute criminalité, en prévenant d’avance les homicides, grâce à trois extralucides nommés «pré-cogs» (abréviation de «pré-cognitifs») capables de visualiser les funestes pensées des futurs meurtriers qui sont aussitôt mis hors d’état de nuire. Séduit, l’Etat songe à adopter ce concept liberticide.
Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes, jusqu’au jour où John Anderton (Tom Cruise), chef de «Precrime», découvre sur l’écran visualisant les visions des «pré-cogs» sa propre image… Commence alors un compte à rebours rondement mené, puisque Anderton est sensé assassiner sa victime, dont il ne sait rien, dans trente-six heures! S’estimant accusé à tort, il s’efforce de mettre la main sur le «rapport minoritaire» («minority report») qui pourrait l’innocenter, le plus doué des trois «pré-cogs» ayant souvent une vision divergente des deux autres que l’on s’empresse de mettre au placard! Partant, le spectateur ne pourra être que frappé par la dimension très actuelle du propos. Mais plus que l’aspect politique (qui peut être mis sur le compte d’une certaine roublardise), c’est la dimension autobiographique que Spielberg a voulu conférer à son «blockbuster» qui est passionnante.
L’obsession majeure de l’auteur de «Duel», c’est d’être considéré comme un cinéaste adulte et donc conscient de la portée de ses actes. Depuis «La liste de Schindler» (1993), Spielberg s’efforce donc de réaliser des films où se reflète sa position personnelle. Dans cet esprit, le personnage d’Anderton est bel et bien son alter ego (comme l’était déjà le financier Schindler se découvrant une bonne âme). Pour sauver sa peau, Anderton doit se détacher du flux des images dominantes, prouver leur statut manipulateur, pour imposer sa vision minoritaire… Difficile d’imaginer plus belle définition du cinéma d’auteur, mais sied-elle vraiment au réalisateur très roué de «Jurassic Park»?
de Steven Spielberg
Etats-Unis, 2002, 2h25