A voir mardi 21 janvier 2014 à 13h35 sur Arte |
Howard Hawks (1896-1977), c’est le cinéaste qui «plaçait la caméra à hauteur d’homme», mais n’hésitait pas à jouer de l’inversion sexuelle, conférant une grande force de caractère aux femmes et une indécision chronique aux mâles. Au cours de sa carrière, commencée en 1926, soit encore à l’ère du muet, Hawks a abordé tous les genres cinématographiques en les marquant à chaque fois d’un, voire plusieurs, chef-d’œuvres. S’il aborde le western assez tardivement dans sa carrière, il livre les trois monuments du genre que sont «La Rivière rouge» (1948), «La Captive aux yeux clairs» (1952) et «Rio Bravo» (1959).
Dans le système de dépersonnalisation inhérent à Hollywood, Hawks a occupé une place à part. Il y a travaillé presque comme un auteur (au sens «européen» du terme), n’hésitant pas à glisser à ses producteurs abasourdis qu’il faut «laisser le spectateur faire une partie du travail!». Peu friand d’histoire sociale et de politique, le cinéaste s’intéresse davantage à l’être humain et sonde de façon exemplaire les tréfonds de son âme dans «La Rivière rouge». L’histoire est celle d’un père et de son fils adoptif qui convoient depuis le Texas un gigantesque troupeau en direction du Missouri. La guerre de Sécession ayant saccagé le Sud, c’est plus au Nord que leurs chances de vendre du bétail se profilent. Au fil de leur périple, le père se montre de plus en plus autoritaire et n’hésite pas à prendre la vie des hommes qui décident de jeter l’éponge. Son comportement déclenche une révolte conduite par son propre fils. Destitué de son rang, le père jure une vengeance mortelle.
«Western exemplaire», nous dit Bertrand Tavernier dans la précieuse somme qu’il a consacrée aux cinéastes américains («50 ans de cinéma américain»). Exemplaire mais également empreint d’un vent de modernité qui soufflera de façon permanente sur le western dans les années suivantes. En effet, à travers la figure du père interprété par John Wayne, Hawks décrit un personnage d’une extrême ambiguïté qui invalide tous les stéréotypes inhérents au genre jusque-là. Le lyrisme des paysages extérieurs se heurte alors à la dureté grandissante de cet homme implacable. En harmonisant les deux, le cinéaste s’est montré à la hauteur de ses ambitions et nous a livré une épopée audacieuse et tragique, superbement mise en image dans un noir et blanc à couper le souffle.
Red River
de Howard Hawks
Etats-Unis, 1948, 2h13