A voir dimanche 9 novembre 2014 à 20h50 sur D8 |
Les premières images du deuxième long-métrage réalisé par l’un des acteurs fétiches de Ken Loach sont trompeuses. L’heure est à la fête. Un prêtre musicien fait danser les invités d’une noce irlandaise datée (1964) et située (Dublin). En coulisse, un jeune cousin poursuit de ses assiduités Margaret, qu’il finit par violer. La jeune fille va confier son désarroi à ses proches. Ce faisant, elle déclenche un mécanisme impitoyable qui va briser son existence (si ce n’était pas déjà fait). Alors que le cousin ne semble pas avoir été inquiété, Margaret mène sa grossesse à terme dans un climat de culpabilité aussi pesant qu’injuste. L’enfant lui est aussitôt enlevé et la malheureuse se voit contrainte de prendre sans espoir de retour le chemin de l’un des nombreux et sinistres couvents appartenant à l’ordre des sœurs de Marie-Madeleine.
Avec une sécheresse descriptive qui convient à merveille au propos, le cinéaste reprend deux fois – en la variant — cette scène d’exposition pour introduire à la suite de Margaret les personnages de Rose (dont le crime est aussi celui d’être fille-mère) et de Bernadette (une orpheline soi-disant un peu trop éveillée pour son âge) dans un enfer pourtant béni chaque matin. S’échinant sur leurs planches à laver, les trois protagonistes vont tisser peu à peu un lien de solidarité qui leur permettra de survivre, confrontées à une adversité aussi confite que perverse. Entre le grenier où elles dorment à la dure et la buanderie qui constitue leur unique horizon (avec quelques échappées dans le jardin, le temps de suspendre le linge), ces jeunes filles innocentes sont en butte à toutes sortes de vexations dignes d’un camp de concentration. Malgré elles, les prisonnières doivent se faire à l’idée insupportable qu’elles mourront peut-être dans ce lieu d’infamie. À la différence de la pauvre Rose, Margaret et Bernadette réussiront toutefois à sauvegarder leur soif de révolte, en la cachant au plus profond d’elles-mêmes. Le temps venu, elles sauront en faire bon usage.
Issu d’un milieu ouvrier, élevé dans une famille pauvre qui s’efforçait de donner le change, l’Ecossais Peter Mullan a un sens indéniable de l’empathie. S’inscrivant dans la ligne naturaliste de Loach, il restitue ce scandale moral avec une pudeur qui fait honneur à ses victimes, mais sans jamais sacrifier à une rigueur quasi documentaire – le scénario de «The Magdalene Sisters» est entièrement basé sur les témoignages des «pensionnaires». Mullan a dû cependant se résoudre à gommer certains aspects (dont les brimades sexuelles qui ont été en réalité bien plus graves qu’il ne le laisse entendre) pour ne pas entamer la crédibilité de son film… A l’entendre, s’il avait tout montré, nul ne l’aurait cru!
de Peter Mullan
Irlande / Grande-Bretagne, 2001, 2h