Shoah (1&2)

A voir jeudi 2 avril 2015 à 20h50 et 0h50 sur France 3 |

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«On ne peut raconter ça. Personne ne peut se représenter ce qui s’est passé ici. Impossible. Et personne ne peut comprendre cela. Et moi-même aujourd’hui… Je ne crois pas que je suis ici. Non, cela, je ne peux pas le croire.»
Simon Srebnik, rescapé du camp d’extermination de Chelmno en Pologne.

Ces propos tenus en ouverture de «Shoah» pourraient résumer en quelques lignes la note d’intention de Claude Lanzmann à propos de «Shoah». Ovni du cinéma toute catégorie confondue, ce documentaire-fleuve d’une durée de 9h30 retrace la mise à mort opérée dans les camps d’extermination nazis. Entre 1974 et 1981, Lanzmann a sillonné les routes pour aller à la rencontre des rescapés, mais aussi de leurs bourreaux. Des 350 heures de rushes qu’il a filmés, le cinéaste a rassemblé un matériau extrêmement dense qui lui a permis de questionner la mémoire de la Shoah sans avoir jamais recours à des images d’archives. En effet, s’il revient sur les lieux du crime, ce n’est jamais dans l’idée d’une reconstitution qui, à son sens, banaliserait et déformerait les faits historiques qu’il tente de révéler. «Shoah» se base exclusivement sur les entretiens que Lanzmann a dirigés avec une extrême rigueur et un souci permanent de clarté. Documenter par la seule mémoire. Montrer les paysages du présent, à jamais hantés par le souvenir de ces voix et de ces corps qui racontent. Laisser le passé être ce qu’il est, tatoué dans la chair des acteurs de l’Histoire: telle est la ligne de conduite d’un cinéaste qui, grâce à l’investigation scrupuleuse qu’il a menée dix ans durant, rend présent ce qui ne l’est plus.

Considéré aujourd’hui comme l’un des plus importants documentaires historiques jamais réalisés, «Shoah» a exercé une telle influence sur la société qu’il a généralisé l’emploi de ce terme pour désigner le génocide au cours des années 1990. Au niveau cinématographique, ce documentaire fait également date pour sa méthode d’exécution. Il ne s’agit pas d’une enquête policière, froide et mathématique, mais bel et bien d’une œuvre artistique régie par deux règles fondamentales du cinéma, à savoir le cadrage et le montage. Lanzmann ne nous donne pas seulement à voir, il nous emmène à bord des convois de la mort, aujourd’hui vides mais débordant de fantômes.

Journaliste, écrivain et cinéaste français, Claude Lanzmann a récemment été récompensé à Berlin pour l’ensemble de sa carrière. Compagnon de Simone de Beauvoir durant quelques années, il lui succède encore actuellement à la direction de la revue «Les Temps Modernes». Profondément lié à ses racines, il n’a eu de cesse d’interroger le judaïsme tout au long de sa carrière, que ce soit à travers l’écriture ou le cinéma en témoignent «Pourquoi Israël» (1973), «Tsahal» (1994), «Un Vivant qui passe» (1997), «Sobibor 14 octobre 1943, 16 heures» (2001) ou «Le Dernier des injustes» (2013).

de Claude Lanzmann
France, 1985
1ère partie: 3h50 | 2ème partie: 5h