Lettre d’une inconnue

A voir mercredi 28 janvier 2015 à 0h50 sur Arte |

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Né en Allemagne, à Sarrebrück, le père du documentariste Marcel Ophüls est sans nul doute l’un des cinéastes parmi les plus importants de notre premier siècle de cinéma, dont l’art virtuose et pertinent du découpage influença aussi bien Stanley Kubrick que Jacques Demy.

Le futur réalisateur de chefs-d’œuvre «La Ronde» (1950), «Le Plaisir» (1952) ou l’inouï et hélas saccagé «Lola Montès» (1955) a commencé par faire du théâtre. A vingt-deux ans, Ophüls est en effet nommé «directeur de création» du prestigieux Burgtheather» de Vienne. Après avoir mis en scène près de deux cents pièces, Ophüls se tourne vers le cinéma et réalise un premier long-métrage déjà remarquable, «Liebelei» (1932), d’après Arthur Schnitzler, où affleurent déjà ses thèmes de prédilection (la tragédie faussement légère du plaisir, la tromperie des apparences, le sacrifice inutile des sentiments, l’entropie qui frappe toute passion amoureuse)…

Fuyant le nazisme après l’incendie du Reichstag, Ophüls s’installe en France où il tourne «Divine» (1935). Dès 1940, il est contraint de se réfugier aux Etats-Unis où il peine à s’adapter à l’autoritarisme du «studio system». En 1948, il parvient néanmoins à réaliser à Hollywood l’un de ses plus beaux films, «Lettres d’une inconnue», tiré d’une nouvelle de Stefan Zweig parue en 1927. Au tournant du siècle à Vienne, Stefan Brand (Louis Jourdan) est un pianiste de concert aux allures de dandy. Rentrant d’une énième soirée de débauche, il se voit remettre une lettre par son serviteur. Elle vient d’une femme qui lui annonce : «Lorsque vous lirez ceci, je serai morte… »

Chef-d’œuvre inégalé sur le thème de l’amour impossible, «Lettre d’une inconnue» apparaît comme un réquisitoire épinglant de façon implacable l’idéal romantique, mais qui ne renie jamais ô grand jamais son héroïne… A travers le récit poignant de Lisa (Joan Fontaine), qui s’étale sur plusieurs décennies, Ophüls réussit en effet l’exploit rare de conserver l’impact lacrymogène du mélo, tout en en faisant une critique impitoyable. A voir absolument!

Letter From an Unknown Woman
de Max Ophüls
Etats-Unis, 1948, 1h26