Caché

A voir mardi 17 mars 2015 à 02h00 sur Arte |

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Prix de la Mise en Scène à Cannes en 2005, «Caché» de Michael Haneke (né en 1947) mérite à merveille son titre: l’énigme qu’il recèle ne se laisse pas dénouer facilement. De façon provocante, l’auteur de «Amour» a pourtant glissé deux indices très importants dans les génériques de début et de fin de son neuvième long-métrage de cinéma. Le générique de début présente sur une seule image de façon complètement égalitaire tous les collaborateurs et collaboratrices qui ont œuvré à sa réalisation, faisant fi de la hiérarchie habituelle qui met en avant les acteurs, le réalisateur, les producteurs, etc.

Le spectateur, s’il est déjà au parfum de l’intelligence brillante d’ironie du réalisateur, pressent qu’il s’agit là d’un piège, une sorte de figure de style équivalant à l’antiphrase assassine pratiquée par nos littérateurs. La suite le confirme, l’inégalité au sens le plus large du mot est à la base du drame qui va se nouer. L’autre indice, nous n’en soufflerons mot pour préserver l’intégrité de ce beau film étouffant et douloureux où Haneke, une fois de plus, démontre toute son excellence dans l’art, difficile, de créer le malaise. Disons seulement qu’il est très vivement recommandé de regarder attentivement les images du générique de fin jusqu’à son terme!

Animateur reconnu d’un «talk-show» consacré à la littérature, Georges (Daniel Auteuil) mène une vie normale en compagnie de son épouse Anne (Juliette Binoche) et de leur fils adolescent Pierrot. Cette existence tranquille et embourgeoisée, où perce quand même un peu d’ennui, prend un tout autre tour le soir où quelqu’un dépose devant la porte de leur domicile parisien une VHS anonyme. En visionnant la cassette incriminée, Georges et Anne découvrent qu’un «plaisantin» s’amuse à filmer leurs allées et venues… Les jours suivants, d’autres cassettes arrivent, tout aussi inquiétantes dans leur manière de plus en plus personnelle de s’immiscer dans leur vie privée. De façon étrange, Georges semble avoir son idée sur la question. A l’insu de sa femme et de son fils, il essaye d’identifier le ou les individus qui pourraient bien être à l’origine de cette surveillance obstinée.

L’idée de culpabilité ronge donc de l’intérieur ce thriller glacial, introspectif et porté par des acteurs qui expriment de façon extraordinaire l’atonie de leurs personnages «fautifs». Avec une acuité remarquable, Haneke pointe les contradictions de la société française et son humanisme hypocrite qui n’empêche nullement l’exclusion. Non sans justesse, il en revient à l’événement exemplaire et symbolique de la guerre d’Algérie, tache aveugle impossible à effacer, tant que ses protagonistes ne se seront pas plier à l’indispensable devoir de mémoire. Bref, un grand film… caché!

de Michael Haneke
Etats-Unis / Italie / Autriche / Allemagne / France, 2005, 1h55