A voir lundi 28 juillet 2014 à 23h20 sur France 3 |
Palme d’or à Cannes en 1997 avec «Le goût de la cerise», Kariostami tourne ses premiers courts-métrages dès 1970; ouvrant la voie de la reconnaissance occidentale au cinéma iranien avec «Où est la maison de mon ami» (1987), l’auteur de «Et la vie continue» (1992). Très surpris, le public européen découvre petit à petit une œuvre à nulle autre pareille peuplée qui remet complètement en jeu le statut de la représentation cinématographique.
En butte à la censure du pouvoir khomeyniste dès 1979, après avoir enduré celle du Shah, Kiarostami fait du cinéma une admirable machine de résistance dont la forme, interrogative et paradoxale, à la fois déjoue les interdits et renouvelle le cinéma tout court, entre fiction et documentaire, cet «entre-deux» parfois indiscernable dont le néo-réaliste Rossellini avait été l’un des premiers arpenteurs.
Présenté à Cannes, «Copie conforme» est le premier film tourné à l’étranger par Kiarostami qui, en répondant aux sollicitudes de ses admirateurs européens, peut se soustraire à la pression des mollahs (notons que ce semi-exil a suscité la controverse dans les rangs des opposant au régime).
Soit une femme et un homme dont on ne connaît pas les noms (Juliette Binoche et William Shimel). Un peu perdue, fragile, elle est galeriste. Narcissique, un brin bellâtre, il donne des conférences sur l’histoire de l’art. Ils commencent à se fréquenter, arpentent une Toscane sillonnée de mariages. Très progressivement, le spectateur développe alors à leur égard un soupçon qui rend le film passionnant…
De façon admirable et indécidable, Kariostami instille le doute sur la dimension inédite de cette rencontre amoureuse, lui conférant un air troublant de «déjà-vécu», de leurre passionnel, au point que l’on se demande si l’homme et la femme ne rejouent pas là, pour une raison mystérieuse, le malentendu qui a présidé à leur idylle… A la fois hommage à Rossellini et à son sublime «Voyage en Italie» (1954), auquel Kiarostami fait ouvertement référence, et synthèse à l’occidentale de son propre cinéma, tout entier travaillé par l’idée du leurre révélateur, «Copie conforme» n’a vraiment rien de… conforme!
de Abbas Kiarostami
Belgique / Italie / France, 2010, 1h46