Raisons d’état

A voir dimanche 11 octobre 2015 à 20h55 sur 6ter |

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Acteur emblématique dont la carrière semble aujourd’hui en complète déliquescence, Robert de Niro a redoré son blason en réussissant de main de maître son deuxième long-métrage. Pour mémoire, la star chère à Martin Scorsese avait fait des débuts prometteurs derrière la caméra avec «Il était une fois dans le Bronx» (1993), chronique sensible d’une adolescence sous influence de la mafia. Le titre original de son second film qui pourra glacer le cœur de certains esprits trop romantiques est «The Good Shepherd», ce qui signifie «le bon berger». L’intitulé dégoté par les distributeurs français est bien loin d’en restituer toute l’ironie assassine…

Marqué par le suicide de son père, au point de le dissimuler aux siens, Edward Wilson (Matt Damon) cultive l’art du secret comme une seconde nature. Dans ses jeunes années, il est un étudiant d’allure terne, qui étudie la littérature à Yale. Membre d’une société clandestine à l’université, il est contacté pendant la guerre pour organiser et coordonner à Londres le service de contre-espionnage des forces alliées. Dès 1947, Wilson devient l’une des pièces maîtresses de la CIA créée par le président Truman et participe à ce titre au savant entretien de la guerre froide, jusqu’au désastre anticastriste de la Baie des Cochons, en avril 1961, à Cuba.

Autobiographie romancée de James Angleton, responsable controversé du contre-espionnage de la CIA jusqu’en 1975, «Raison d’état» retrace pendant près de trois heures le destin blafard d’un individu qui n’a de cesse d’être irréprochable, voué au seul accomplissement de son devoir. Sans jamais faillir, Wilson applique ce principe à tous les secteurs de son existence, sa femme et son fils compris. Parfaitement lisse, mais constamment suspicieux, cet antihéros paranoïaque ne se fiera jamais à personne et encore moins à ses propres sentiments… Cette réussite se situe à des années-lumière du film d’espionnage à la James Bond. Anti-spectaculaire au possible, à l’image de Damon qui compose un personnage fascinant de médiocrité!

The Good Shepherd
de Robert de Niro
Etats-Unis, 2006, 2h47