A voir mercredi 29 janvier 2014 à 22h20 sur Arte |
Descendant d’une riche famille d’industriels américains (son grand-père a inventé le premier prototype de la machine à calculer), William S. Burroughs n’a assurément pas suivi la même voie! Assimilé aux auteurs de la Beat Generation (Allen Ginsberg ou Jack Kerouac) – affiliation qu’il réfutera toute sa vie – il est aujourd’hui un des écrivains américain qui a le plus marqué la littérature de son pays. Figure phare de l’avant-garde, il est notamment adepte du cut-up, une technique de recoupement aléatoire des textes, qui s’inscrit dans sa lutte pour affranchir l’écriture du langage, dont il juge l’expression trop structurante. Ses textes – «Junkie», «Queer» ou encore «Naked Lunch», pour ne citer que ses premières œuvres, restées par ailleurs les plus fameuses – ont influencé de nombreux autres artistes américains.
Mais c’est évidemment aussi le train de vie de Burroughs qui fascine et le rend célèbre. Surtout que l’usage de psychotropes, l’homosexualité, les excès en tout genre et la confrontation à la mort ont directement influencé son écriture, à en juger les titres de ses bouquins. Et c’est précisément l’intimité de l’écrivain que le documentaire de Yony Leyser vise à explorer. Aussi extraordinaire soit elle, l’existence de cette personnalité trash n’est pas sensiblement différente de celle de certains de ses contemporains, qui par ailleurs interviennent dans le film: Patti Smith, Iggy Pop et autres artistes de légende, plus ou moins ravagés par la dope. La fascination opère pourtant, comme devant chaque docu qui retrace la vie d’une des icônes de la Factory ou de l’Underground new-yorkais – dans lesquels ce sont d’ailleurs souvent les mêmes survivants qui s’expriment!
Belles sans être particulièrement novatrices, les images du jeune réalisateur-photographe de la scène underground internationale nous guident à travers la vie du légendaire et controversé Burroughs. Outre un travail d’archive foisonnant, Leyser a sélectionné des intervenants de renom comme Gus Van Sant, David Cronenberg, John Waters, mais aussi des connaissances intimes de l’écrivain, des ex-boyfriends et last but not least, son marchand d’armes! Car n’oublions pas que William S. Burroughs a tout de même abattu «involontairement» son épouse lors d’une tentative ratée de reproduction de l’exploit de Guillaume Tell… et c’est véridique! Quelques nuits en prison, et le génie déviant est libéré. Si son œuvre et sa vie resteront à jamais marquées par cet accident sordide, il n’en demeurera pas moins un fanatique des armes jusqu’à la fin de ses jours.
de Yony Leyser
Chili, 2010, 1h27