Le Ruban blanc

A voir jeudi 23 mai 2013 à 0h50 sur Arte |

Etabli en France depuis plusieurs années, le cinéaste autrichien Michael Haneke excelle dans l’art difficile de créer le malaise. Il n’a pas son pareil pour nous plonger dans un inconfort salutaire, qui a le don de nous renvoyer à nous-même, sans aucun ménagement. Récompensé à Cannes en 2009, ce très troublant «Ruban blanc» ne fait pas exception. C’est même à notre avis le sommet (provisoire) d’une œuvre certes peu aguicheuse, mais combien saine.

Filmé dans un noir et blanc à la beauté trompeuse, le onzième long-métrage du réalisateur de «71 fragments d’une chronologie du hasard» (1994), «La Pianiste» (2001) et de «Caché» (2005) situe son action dans un village protestant de l’Allemagne du Nord. En 1913, à la veille de la Première Guerre mondiale, d’étranges événements s’y sont produits, à propos desquels «bien des questions restent sans réponse», nous confie le narrateur, un ex-instituteur devenu âgé qui, manifestement, éprouve le besoin de se remémorer un passé qui lui pèse.

Un médecin chute de son cheval qui s’est encoublé dans une corde invisible. Le jeune fils d’un notable est l’objet de violences, un petit trisomique manque de se faire crever les yeux… Les incidents se multiplient en effet, rendant l’atmosphère de plus en plus lourde, bientôt irrespirable!

Implacable, impressionnant, le film évoque les sévices qu’une société masculine et puritaine inflige en toute impunité à ses enfants, ses femmes, ses administrés. De fait, «il s’agit de punir la faute des pères sur les fils», ces fils qui feront plus tard le lit de l’idéologie nazie… Chef-d’œuvre tendu, habité par la hantise du péché et une peur panique de la sexualité, «Le Ruban blanc» apparaît comme la genèse du monstre totalitaire à venir.

Das Weiße Band – Eine deutsche Kindergeschichte
de Michael Haneke
France / Italie / Autriche / Allemagne, 2009, 2h24