La Femme sans tête

A voir mercredi 25 mai à 22h25 sur Arte (V.O.)

Une route de gravier près de Santiago del Estero, au nord de l’Argentine. Veronica (Maria Onetto) roule vite, se penche pour chercher un truc sur le siège du passager, lorsque soudain la voiture est prise de violentes secousses. Elle freine, s’arrête, la radio s’éteint. Veronica a heurté quelque chose, peut-être quelqu’un. Elle est pétrifiée et finit par redémarrer. Au loin, à travers la vitre arrière du véhicule, le spectateur aperçoit un corps inerte. Après cette séquence d’une maestria déconcertante, on retrouve Veronica dans son quotidien bourgeois, auprès de sa famille, dans son cabinet dentaire. Elle est comme en lévitation, affiche un sourire de façade, censé cacher son désarroi. Mais c’est le vide dans sa tête, elle répond de travers à toutes les questions, ne les entend même pas. Un jour, elle dit à son mari: «j’ai tué quelqu’un». Le film repose sur deux vecteurs-phares de la société argentine: d’abord l’omniprésence et le soutien indéfectible de la famille, qui cherche ici à faire oublier l’épisode à Veronica, effaçant toute trace de sa possible culpabilité. D’autre part, Lucrecia Martel esquisse en filigrane les inégalités sociales persistantes entre la population issue de la colonisation espagnole et les indiens natifs. En érigeant le fait-divers tragique resté sans coupable et sans procès en métaphore d’une quête de justice avortée, la réalisatrice confère à son film une portée politique vibrante.

La Mujer Sin Cabeza
de Lucrecia Martel
Argentine, 2008, 1h30