Tabou

En présence du réalisateur | Berlin 2012, Prix de la critique internationale, Prix Alfred Bauer |
de Miguel Gomes |
avec Laura Soveral, Teresa Madruga, Isabel Cardoso, Ana Moreira, etc.

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Distingué à Berlin, «Tabou» emprunte son titre et ses deux «têtes de chapitre» («Le Paradis perdu» puis «Le Paradis» tout court), en les inversant, à un film de Murnau, considéré à juste titre comme l’un des derniers chefs-d’œuvre du cinéma muet. D’une beauté folle et déchirante, tourné en pellicule et en noir et blanc, le troisième long-métrage du réalisateur portugais Miguel Gomes laisse littéralement sans voix! Par le biais d’un prologue sidérant, le cinéaste nous entraîne d’abord dans l’ersatz mélancolique d’un mélo exotique d’antan, qui raconte comment un explorateur scientifique désespéré propage à un crocodile son dépit amoureux. Ce n’était qu’un film! Nous sommes au cinéma, à Lisbonne. Sort de la salle Madame Pilar, une brave femme, trop pétrie de bonnes intentions, qui occupe sa retraite en fréquentant sa voisine Aurora. Cette vieille dame excentrique soupçonne la bonne Capverdienne qui la garde de pratiquer l’envoûtement à son encontre. La première partie du film s’attache à ce trio singulier qui nous renvoie un écho affaibli des splendeurs lusitaniennes d’un passé qui n’est plus. Tombée gravement malade, Aurora demande à ses deux consœurs de retrouver un certain Ventura qu’elle veut revoir avant de mourir. Las, ce dernier arrive trop tard! Après l’enterrement, dans une cafétéria décorée de palmiers en plastique, ce vieillard bien de sa personne révèle le secret d’Aurora. Advient alors la deuxième partie qui nous ramène dans les années soixante au Mozambique, colonie portugaise à l’époque… Narré par la propre voix de Gomes, qui pallie les paroles estompées du passé, ce condensé de romanesque fusionne de façon extraordinaire dans une Afrique fantôme, d’indolentes frustrations coloniales et un romantisme trop échevelé pour être vraiment et pleinement vécu. Partant, le cinéaste nous aura baignés dans l’aube virginale d’un cinéma retrouvé, comme on n’en rêvait plus…
TABU, Portugal / France / Allemagne / Brésil, 2012, noir et blanc, 1h50, programme n°180