Tu ne tueras point

A voir lundi 24 avril 2017 à 23h35 sur Arte |

Sans vouloir faire un mauvais jeu de mots, «Tu ne tueras point» («Krotki film a zabijaniu») de Krzysztof Kieslowski (disparu en 1996 à l’âge de cinquante-cinq ans) est un film capital sur le scandale que représente toute application de la peine de mort!

Nous sommes à Varsovie, sous un soleil d’hiver, dans les années quatre-vingt. Un jeune homme venu de la campagne, erre sans but dans la ville, désœuvré. Au même moment, un quadragénaire peu sympathique, s’apprête à commencer sa journée de chauffeur de taxi, tandis qu’un jeune avocat idéaliste passe son examen final pour entrer au barreau…

Avec une maestria assassine, le très regretté cinéaste polonais va littéralement intriquer ces trois destins pour les besoins de l’épisode n°5 de sa fameuse série «Décalogue», diffusé ici dans sa version cinématographique (Prix du Jura à Cannes en 1987) plus longue de vingt-huit minutes.

Pour notre plus grand inconfort, Kieslowski oppose alors l’humanité profonde et combien dérangeante du meurtre (dont le «mixte» de hasard et de nécessité absout en quelque sorte son auteur son auteur) à la machine cruelle et abstraite, inhumaine, qui préside à l’application de toute peine capitale.

Comme dans la plupart de ses grands films, le futur réalisateur de la trilogie intitulée «Trois Couleurs: Bleu, Blanc, Rouge» n’adhère jamais à l’alternative manichéenne offerte par la justice (qu’elle soit le fait de Dieu ou des hommes), celle qui exige qu’un homme soit innocent ou coupable. Ce faisant, il entrouvre une troisième voie, imprévisible, incertaine, miraculeuse, fantastique: la voie humaine!

Cet adepte de la manipulation du spectateur à des fins éthiques rejoint alors pleinement le philosophe Michel Foucault qui pensait que les énoncés et ce qu’il appelait les visibilités entretenaient une différence irréductible. Pour notre salut, cela vaut d’être répété encore et encore, sous toutes les formes… A voir ou à revoir, absolument.

Krótki film o zabijaniu
de Krzysztof Kieslowski
Pologne, 1988, 1h24