L’Evangile selon Saint Matthieu

Venise 1964, Prix spécial du Jury | Prix de l’Office catholique
de Pier Paolo Pasolini
avec Enrique Irazoqui, Margherita Caruso, Susanna Pasolini, etc.


Considérant le sacré comme la seule résistance au capitalisme bourgeois, Pier Paolo Pasolini ne pouvait faire autrement que d’aborder de front la question de la religion. Il choisit alors de filmer l’Evangile de Matthieu parce qu’il reste, selon lui, le plus réaliste des évangélistes. Marie est enceinte. Un ange vient annoncer à Joseph qu’elle porte Jésus… Une fois adulte, ce dernier apparaît serein au bord du Jourdain et part sur les chemins, prêchant la bonne parole aux incrédules et accomplissant de nombreux miracles. Inquiets du succès populaire du Sauveur, les Pharisiens au pouvoir choisissent la ruse en achetant Judas pour trente pièces d’argent… Situé à des années-lumière de la christologie hollywoodienne, «L’Evangile selon Saint Matthieu» raconte la vie terrienne du fils de Dieu dans ses détails les plus passionnants et avec une fidélité impressionnante – pour qui connaît les Evangiles. Pourtant, le Jésus de Pasolini paraît arrogant, impénétrable et autoritaire. C’est sans doute que le cinéaste athée recherche et trouve la vérité moyennant une précision quasi documentaire et un sens du cadre dévot. Filmant son personnage à la manière d’un reporter, multipliant les gros plans autant que les grands angles, il réussit en effet à tirer de ce drame biblique originel des significations à la fois mystiques et révolutionnaires. D’un côté, la foi fervente du paysan – opposée à la religiosité hypocrite de la bourgeoisie – est constituée en «prolongement de la poésie»: elle est alors enluminée et rythmée par des morceaux de Missa Luba congolaise! De l’autre, le génie de Pasolini réside dans le fait d’avoir choisi comme décor la pauvreté de l’Italie: en montrant la misère et l’injustice d’un peuple, il parvient à figurer celles du monde et celles de la Chrétienté…
IL VANGELO SECUNDO MATTEO, Italie / France, 1964, noir et blanc, 2h17, programme n°157

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