J’ai pas sommeil

de Claire Denis |
avec Katerina Golubeva, Richard Courcet, Laurent Grévill, Alex Descas, Patrick Grandperret, Line Renaud, Béatrice Dalle, etc.

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    Ce film est né d’un fait divers qui a défrayé la chronique parisienne à la fin des années 80: un jeune noir homosexuel, Thierry Paulin, mort du Sida en prison à l’âge de 26 ans; avec son ami, il a tué plusieurs vieilles dames pour leur dérober leurs économies. A travers l’histoire de Camille (Richard Courcet), le «tueur» créole, la réalisatrice Claire Denis décrit toutefois plusieurs autres destins qui, peu à peu, se révèlent être très proches de Camille: le destin de Daïga (Katerina Golubeva), une jeune actrice lituanienne qui débarque à Paris à la recherche d’Abel, un metteur en scène français qui lui a fait de fumeuses promesse; celui de Mona (Béatrice Dalle), une mère désordonnée qui se débat maladroitement auprès de son petit garçon; celui de Théo (Alex Descas), le gentil frère de Camille qui ne connaît rien de ses activités; celui de Madame Ninon (Line Renaud), hôtelière, qui enseigne le karaté à ses contemporaines des «Panthères grises».

    Présenté à Cannes dans le cadre d’«Un certain regard», le nouveau film de Claire Denis (auteur de Chocolat, Man No Run et S’en Fout la mort) explore donc les rapports entre les êtres. Et s’il y a bien, au départ du film, l’histoire vraie d’un macabre fait divers, ce n’est pour la cinéaste qu’un point de départ lui permettant de parler d’autre chose, à savoir l’état de la Ville occidentale, aujourd’hui. Dans la nuit, Claire Denis tisse une toile de rapports (amoureux, sexuels, criminels) qui dessinent un monde noir où règne la peur (de l’obscurité, des crimes, du sida). Un monde où les gens ne se sentent pas sûr et n’osent plus dormir; et où personne n’ose vraiment s’avouer que la peur, la vraie (celle de mourir un jour), ne se trouve pas au dehors — mais en chacun de nous.

    France, 1994, couleur, 1h50; programme n°35