Hors normes

Œuvrant toujours de concert dès leurs débuts en 1995, les cinéastes français Olivier Nakache et Eric Toledano ont pour le moins cartonné dans le genre de la comédie sociale. Pour mémoire, «Intouchables» (2011) a attiré rien que dans les salles obscures helvétiques près d’un million cinq cent mille spectateurs. Un zeste trop appuyé de bienveillance et une propension à trop bien huiler leur mécanique comique nous avaient toutefois empêchés d’adouber leurs films sur le plan critique.

Présenté en clôture du dernier Festival de Cannes, «Hors normes» échappe à ce double reproche. Partant, il constitue sans nul doute leur meilleur film! Premier signe qui ne trompe pas, il se révèle nettement moins drôle que ses prédécesseurs, procédant d’une approche de son sujet âpre et sèche, quasi naturaliste, à commencer par sa photographie qui ne donne jamais dans la joliesse.

Pour leur septième long-métrage, Nakache et Toledano ont voulu mettre en lumière l’action exemplaire menée depuis plus de vingt ans par Stéphane Benhamou et Daoud Tatou en faveur des jeunes autistes dont les institutions ne veulent plus, par manque d’un dispositif d’accompagnement approprié… Bruno (Vincent Cassel) se voue contre vents et marées à son association qui tente de prendre en charge et de socialiser des «cas» souffrant d’un autisme dit «complexe», des garçons et des filles souvent sujets à des accès de violence envers les autres ou eux-mêmes.

De son côté, Malik (Reda Kateb) s’efforce de réinsérer et de responsabiliser des adolescents en difficulté en les formant comme référents des autistes «recueillis» par Bruno. Parant au plus pressé, agissant dans un état d’urgence permanent, celui-ci n’a pas pu prendre le temps d’adapter sa structure aux normes officielles, ce qui lui vaut la visite inquisitoriale de deux représentants de la «police de la santé», lesquels enquêtent avant de statuer sur sa fermeture ou non…

Grâce à un casting qui mêle aux acteurs et actrices professionnelles des autistes et des référents qui jouent leur propres rôles, «Hors normes» sonne vrai et se refuse catégoriquement aux bons sentiments, prenant le risque d’une fin ouverte, histoire de changer notre regard sur une problématique qui n’épargne pas la Suisse, comme vient de le montrer le documentaire «A bout de souffle» du Neuchâtelois Samuel Déjardin.

de Olivier Nakache et Eric Toledano
France, 2019, 1h55