Etre vivant et le savoir

Le parcours d’Alain Cavalier est singulier. Après avoir réalisé une dizaine de films de fiction, dont «Thérèse» (1986) auréolé de six Césars, le réalisateur a opté pour une forme documentaire d’une humilité impressionnante.

Se saisissant d’une petite caméra numérique, œuvrant seul, Cavalier devient «le filmeur» (comme s’intitule l’un de ses films si particuliers) de son quotidien, observant la vie dans ce qu’elle semble avoir de plus commune pour en faire surgir l’ineffable, l’indicible. Commentant en direct ses images à la première personne, et de sa voix douce, il réussit à nous submerger d’émotions, malgré la modestie de son dispositif.

«Etre vivant et le savoir» est parfaitement représentatif de sa démarche. Mû par l’idée d’adapter avec l’écrivaine Emmanuelle Bernheim «Tout s’est bien passé», le livre où elle raconte comment elle a aidé son père à accomplir un suicide assisté, il rend visite à une amie à Genève qui va conclure son existence de pareille manière. En guise d’introduction, il filme quelques objets: son ticket de TGV, puis une vieille patate germée – un gros plan d’une puissance évocatrice extraordinaire qui annonce ce qui va suivre.
A quatre-vingt-sept ans, Cavalier se sait évidemment mortel. Il propose à Bernheim de tenir son propre rôle et qu’elle consente à ce qu’il joue celui de son père, histoire de se préparer à partir, comme il le dit lui-même. Tombant d’accord, ils commencent à travailler, jusqu’au moment où son amie apprend qu’elle a un cancer du sein… Le film se transforme alors en un bouleversant traité d’amitié, dont on ne saurait faire l’économie.

de Alain Cavalier
France, 2019, 1h22