Au bout du monde

Ancien fer de lance de la nouvelle génération de cinéastes japonais, Kiyoshi Kurosawa a d’abord tourné des pornos soft, avant de s’illustrer avec des thrillers et des films horrifiques qui ont fait sa renommée dans les festivals. Depuis l’excellent «Tokyo Sonata», présenté à Cannes en 2008, le prolifique réalisateur kobéen alterne les films fantastiques ou de science-fiction et les films réalistes, à raison de deux productions par an. Bien que révélateur de la condition sociale japonaise, ses fictions dites «réalistes» adoptent toujours une tonalité mystérieuse. Le génie de Kurosawa réside alors dans ses cadrages anxiogènes et ses silences assourdissants qui nous figent dans la sidération.

Présenté cet été à Locarno, «Au bout du monde» («To the Ends of the Earth») appartient à la veine réaliste de Kurosawa. Tourné à l’occasion des célébrations diplomatiques entre le Japon et l’Ouzbékistan, ce film à nul autre pareil suit une petite équipe de télé japonaise débarquée à Tachkent à la recherche d’un mystérieux poisson géant pour faire de l’audimat… Incarnée par la chanteuse et idole Atsuko Maeda, leur animatrice ne parvient pas à comprendre les habitants de ce pays si différent. Traumatisée par l’étranger, elle ne cesse de courir, apeurée. Partant de cette trame minimaliste, Kurosawa exprime l’absence de communication et l’angoisse de son personnage face à l’inconnu, tout en scrutant les singeries de la télé populaire et d’une société japonaise machiste. Un chef-d’œuvre aussi envoûtant que déconcertant.

de Kiyoshi Kurosawa
Ouzbékistan, 2019, 2h00