Une chambre en ville

A voir samedi 15 novembre 2014 à 07h55 sur RTS Un |

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Le regretté Jacques Demy (1931-1990) a connu une carrière en dents de scie. Après avoir connu le succès avec «Les Parapluies de Cherbourg» (1964) et «Les Demoiselles de Rochefort» (1967), deux sommets de la comédie musicale «à la française» dont le réalisateur de «Lola» est l’unique représentant, Demy part aux Etats-Unis réaliser pour la Columbia «Model Shop» (1969) dont l’amertume déplaît au public. Rentré en France, le cinéaste revient à ses amours fantaisistes à travers «Peau d’âne» (1970), très librement inspiré du conte de Perrault, «L’Evénement le plus important depuis que l’homme a marché sur la Lune» (1973) ou encore «Une chambre en ville» (1982).

Dans ce film à gros budget, Jacques Demy reconstitue la grève des chantiers navals nantais qui eut lieu en 1952, provoquant de violents affrontements avec la police. Dans ce contexte, François, un métallurgiste, loue une chambre dans la maison de Madame Langlois, qui se montre réfractaire à toute intrusion féminine dans sa demeure. François vit alors une passion à ciel ouvert avec sa fiancée Violette, jusqu’au jour où il rencontre la fille de Madame Langlois…

Stylisé à l’extrême, ce mélodrame répond à la règle tout demysienne des dialogues chantés. A travers la lutte du prolétariat, le cinéaste met en scène les causes perdues, à la fois celle du peuple et celle d’un amour entravé par des questions de rang social, et fait montre d’un pessimiste qu’on ne lui connaissait pas jusque-là. Boudé par le public à sa sortie, «Une chambre en ville» partageait l’affiche avec «L’As des as» de Gérard Oury, avec Jean-Paul Belmondo. Persuadé que le désintérêt des spectateurs était dû à «l’écrasement informatif et publicitaire des films préconçus pour le succès», des critiques prirent la défense de Jacques Demy dans un article collectif, qui suscita une vive polémique entre les partisans du film d’auteur d’un côté et du cinéma populaire de l’autre. Résultat des courses: ce combat de coq stérile ne fit qu’aggraver la situation déjà difficile de ce beau film désabusé.

de Jacques Demy
France, 1982, 1h32