Trois vies et une seule mort

A voir lundi 14 mai 2012 à 21h sur TV5 Monde

Grand cinéaste baroque, le Chilien Raoul Ruiz (1941-2011) prône une narration résolument non linéaire, éclatée, qui avance par dilatations, reprises, répétitions, accélérations, substitutions… Très prolifique (près de soixante longs-métrages en quelque quarante-trois ans de carrière tournés de 1967 à 2011), le très regretté réalisateur de la sublime «Hypothèse du tableau volé» (1979) a réalisé avec «Trois vies et une seule mort» (1995), l’un de ses grands chefs-d’œuvre!

Atteint d’une forte migraine, André (époustouflant Féodor Atkin) sort de chez lui pour aller acheter de l’aspirine à la pharmacie. Il se fait alors accoster par un personnage des plus singuliers: un certain Mateo Strano (Marcello Mastroianni) qui se dit prêt à le payer pour faire sa connaissance! Refusant énergiquement l’offre de cet inconnu, André se voit pourtant contraint de se raconter et d’empocher les billets. Pire, il se fait littéralement embarquer dans l’histoire de son étrange interlocuteur, au point d’y perdre la tête, au sens propre et figuré de l’expression!

Atteint du syndrome de la multiplication de la personnalité, Mateo Strano ne tarde pas à égarer le spectateur conquis dans un tourbillon fabuleux d’identités diverses (tour à tour clochard, professeur d’université, maître d’hôtel… ). Procédant par enchâssements (figure de style favorite du cinéaste), ce film gigogne atteste du prodigieux talent de conteur de Ruiz qui a trouvé en Mastroianni (dont c’est l’avant-dernier film) l’interprète rêvé… Ta faconde nous manque terriblement, Raoul!

de Raoul Ruiz
France / Portugal, 1995, 2h03