Tout ce que le ciel permet

A voir samedi 28 juin 2014 à 08h20 sur RTS Un |

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Né en Allemagne en 1897, Detlef Sierck fut d’abord metteur en scène de théâtre, avant de devenir cinéaste et de mettre à profit son sens inné de l’espace et de l’ellipse. Il quitte l’Allemagne pour les Etats-Unis à l’arrivée des nazis et se rebaptise Douglas Sirk. Prince du mélodrame à l’hollywoodienne, protégé de la Universal, Sirk se montre extrêmement doué pour faire apparaître les tragédies avec une splendeur incomparable et, ainsi, ne recule devant aucun artifice fictionnel, aucun coloris, aucun excès pour atteindre les sentiments qu’il veut décrire.

Après l’immense succès du «Secret Magnifique» (1955), les studios demandent à Douglas Sirk d’en reprendre le duo d’acteurs (Jane Wyman et Rock Hudson) pour les mettre en scène dans une nouvelle histoire d’amour flamboyante. «Tout ce que le ciel permet» entre alors en production. Il raconte les aventures sentimentales de Cary, une veuve d’âge mûr, qui s’éprend de son jardinier, un très jeune homme complètement fauché. Incapable de comprendre son choix, son entourage exerce sur elle une importante pression sociale…

Derrière l’apparente simplicité de cette intrigue, Douglas Sirk exprime une idée de l’Homme héritée du très rousseauiste Henry David Thoreau, et plus particulièrement de son ouvrage «Walden ou la Vie dans les bois» (1854), utilisé en tant que livre de chevet du jardinier dans le film. Partant de cette philosophie, le cinéaste démontre que c’est en brisant les codes sociaux que Cary s’est imposée, et en retournant à une essence proche de la nature (symbolisée par son amant), qu’elle trouvera une forme d’apaisement.

Cette recherche d’un idéal émane de chaque plan, tant le travail des couleurs (en Technicolor) est soigné. Une lumière irradie de toute chose, mais surtout de Cary qui, petit à petit, s’impose comme un personnage entier, sujet aux angoisses comme au bonheur. N’en déplaise aux mauvaises langues qui comparent son cinéma aux romans de gare à l’eau de rose, Sirk parvient ici à mêler une puissante histoire d’amour à une brillante chronique sociale, démontrant ainsi toute la subtilité de son regard de cinéaste.

All That Heaven Allows
de Douglas Sirk
Etats-Unis, 1955, 1h29