Sweeney Todd, le diabolique barbier de Fleet Street

A voir vendredi 31 octobre 2014 à 02h40 sur TF1 |

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Malgré ses années de formation chez Disney, qui l’a viré pour cause de «déviance», Tim Burton est un grand cinéaste empli d’inquiétude. Sa fantaisie donne parfois le change comme dans «Charlie et la chocolaterie» (2001), mais le fond reste toujours très pessimiste, témoignant d’une inadaptation fondamentale au monde.

Avec «Sweeney Todd», Burton aggrave encore le constat… La genèse de cet aria gore remonte à 1980. Alors étudiant dans une école d’art californienne, Burton se rend en Europe pour la première fois. A Londres, il assiste à une représentation du «thriller» musical du compositeur Stephen Sondheim. Marqué par ce spectacle qui ne lésine pas sur l’hémoglobine, Burton se jure de le porter un jour à l’écran.

Aujourd’hui c’est chose faite et le résultat s’avère plutôt sidérant… Née d’un fait-divers fiévreusement alimenté par les médias, la légende du «barbier diabolique» enfle dans le Londres très peu chatoyant de l’ère victorienne. Jeune barbier comblé, Benjamin Barker (Johnny Depp) voit sa jolie épouse convoitée par le puissant juge Turpin (Alan Rickman). Portant de fausses accusations, l’odieux personnage envoie le pauvre Benjamin au bagne, pour mieux s’emparer de sa femme et de sa fille. Quinze ans plus tard, la victime de cette terrible machination fait son retour, le cœur rempli de haine, brûlant de se venger. Prenant le pseudonyme de Sweeney Todd, le barbier rouvre son échoppe dans le grenier de Mrs Lovett (Helena Bonham Carter), une vendeuse de pâtés à la viande dont le négoce périclite.

Sur le point de réaliser sa vengeance, Benjamin voit le juge lui échapper in extremis. De dépit, il retourne sa haine inextinguible contre ses clients innocents qu’il égorge avec ses rasoirs en argent, en attendant que se représente une autre occasion de se venger. Grâce à un système ingénieux, le meurtrier fait basculer ses victimes jusque dans la cave où Mrs Lovett en fait littéralement de la chair à pâté… Les cadavres s’amoncellent et la bonne société se presse au magasin pour déguster des terrines qui n’ont jamais été aussi bonnes!

Nimbant ce propos rouge carmin de couleurs froides, Burton atteint à une beauté sinistre qui vous glace le sang. Au-delà de ses postures gothiques, «Sweeney Tood» constitue sans doute son film le plus politique, instruisant le procès magistral d’une humanité devenue inhumaine à force d’injustices, jusqu’au cannibalisme, figure la plus extrême d’une société complètement désolidarisée.

En attribuant le rôle du serial raseur au très délicat Johnny Depp, le cinéaste accentue le trouble, nous mettant dans l’incapacité de réduire son personnage à un monstre atteint de démence, alors même qu’il est prêt à sacrifier des enfants pour assouvir son désir de vengeance. A raison, Burton a conservé la forme de la comédie musicale, faisant même chanter les comédiens, qui, la plupart du temps, sont doublés dans ce genre d’exercice. Le chant instaure une distance qui confère au propos la dimension fatale appropriée… Ames sensibles, surtout ne pas s’abstenir!

Sweeney Todd – The Demon Barber of Fleet Street
de Tim Burton
Etats-Unis, 2007, 1h55