A voir lundi 7 décembre 2015 à 0h30 sur France 2 |
Né en 1906, disparu en 1977, le cinéaste italien Roberto Rossellini a commencé sa carrière en réalisant des films de propagande fasciste. A la Libération, il change de cap de la manière la plus radicale en réalisant les deux grands manifestes du néoréalisme naissant, «Rome ville ouverte» (1945) et «Païsa» (1946) qui font accéder le cinéma à sa modernité la plus exigeante. Très loin de se laisser enfermer dans ce mouvement, Rossellini va défricher d’autres territoires, exprimant sans relâche son désir impérieux de replacer sans cesse le cinéma dans une perspective résolument contemporaine, méritant ô combien le bon mot de Jacques Rivette: «il y a, d’une part, le cinéma italien, de l’autre, Rossellini.» Séducteur, notre homme enlève à la barbe et au nez d’Hollywood l’une de ses plus grandes stars pour la faire jouer dans trois chefs-d’œuvre qui reflètent sa vie de couple – «Stromboli», «Le Voyage en Italie» et «Europe 51» – ou plutôt sa désagrégation.
Amoureuse et enceinte de Rossellini, Ingrid Bergman entre complètement dans le dessein de son amant cinéaste. Dans «Stromboli» (1949), elle joue le rôle d’une réfugiée lituanienne entrée clandestinement en Italie. Karin Bjorsen fait la connaissance d’un jeune soldat italien qui tombe amoureux d’elle et la demande en mariage. Comme elle ne peut obtenir un visa pour l’Australie où elle pensait refaire sa vie, Karin accepte de l’épouser et le suit dans son île natale de Stromboli où elle est considérée comme une étrangère…
N’en disons pas plus, sinon que Rossellini réussit un jeu de miroir saisissant où l’intime, la biographie, prend une dimension universelle, voire cosmique. Se dépouillant de tous ses oripeaux de star «glamour», comme piégée par son isolement, Ingrid Bergman incarne de façon extraordinaire l’héroïne «rossellinienne» qui trébuche et défaille devant la dureté du réel, avant d’en accepter sa beauté, secrète, violente et mystérieuse. Dans sa capacité à montrer les choses les plus banales en leur conférant une dimension absolument inédite, Rossellini établit un nouveau credo cinématographique qui atteste de la toute-puissance de l’image. Par le biais du seul cinéma, il vise à redonner une unité au monde, pas moins!
Stromboli, terra di Dio
de Roberto Rossellini
Italie, 1950, 1h47